Ile de Mindoro, Philippines, 1944. Ooka, soldat de l’armée japonaise engagé dans la seconde guerre mondiale est fait prisonnier lors d’une mission de reconnaissance. Les troupes américaines fraîchement débarquées dans la baie de Bulalacao le traitent comme un prisonnier de guerre, conformément aux conventions de Genève. Les infirmiers et autres personnels “ennemis” considèrent Ooka avec respect mais ce dernier reste méfiant. Le code d’honneur japonais est toujours dans un coin de son esprit, les remords aussi. Celui d’être vivant et prisonnier, même s’il ne s’agit pas de reddition.
Journal d’un prisonnier de guerre est un recueil de textes écrits entre avril 1946 et octobre 1950 par Ooka Shohei, auteur japonais fort connu par ses romans et poèmes. Mais c’est l’expérience de la guerre qui est à l’origine de ce livre.
Les onze chapitres rendent compte des rencontres qui ont ponctué sa vie de prisonnier, et de l’impact fondamental de cet emprisonnement dans l’après-guerre. Ayant recouvré sa liberté, les mots d’Ooka nous rappellent que l’homme n’est plus le même. Les sentiments sont divers : tantôt de résistance, tantôt de sympathie vis-à-vis des Américains rencontrés.
Les mœurs en temps de guerre des prisonniers sont très justement relatées. Les comportements analysés, parfois durement jugés. Dans un des derniers chapitres, on pourrait citer l’exemple des Japonais se travestissant en femmes, ou se livrant à des pratiques homosexuelles. Mais le narrateur semble toujours garder ses distances avec chacun de ses “collègues”. Le général qui lui prête des livres n’arrivera pas non plus à gagner totalement sa sympathie.
Ooka est si imprégné de cette part d’histoire qu’il s’interroge : n’est-il pas encore aujourd’hui prisonnier de guerre ? Des soins intensifs en hôpital militaire américain aux chantiers maritimes, la question de l’honneur est récurrente. Ainsi que celle de l’Humanité. Qu’est ce que l’humain lorsqu’il se livre à une telle atrocité ? Ooka finit par porter un regard bien noir sur les partisans de la guerre, glorieux ou massacrés : “ils ont récolté ce qu’ils ont semé”.
Mémoires, réflexions sur l’humain, Journal d’un prisonnier de guerre reste un récit très réaliste. Immersion totale annoncée.
Éditeur : Belin
Pays : Divers