Journaliste, producteur et réalisateur, Hubert Niogret est venu présenter son documentaire Le temps du cinéma thaïlandais au cours du dernier Festival Cinémas & Cultures d’Asie. Rencontre avec un spécialiste du cinéma asiatique.
Comment est née votre passion pour le cinéma asiatique ?
Par le cinéma japonais, notamment avec les films de Kurosawa dont un en particulier Chien enragé. A partir de là, j’ai eu envie de voir tous les films de ce réalisateur et d’autres japonais, chinois ou hongkongais – Hong-Kong où j’ai travaillé en 1974 et pu ainsi accéder à de nombreux films non distribués en Europe – .
Le public et les réalisateurs thaïs sont friands de films épiques. Pourquoi ?
La Thaïlande est un pays qui a un vrai sens de la nation, dans le sens où c’est un pays qui n’a jamais été colonisé. Les films épiques et historiques comme Bang Rajan ou Suriyothaï, sont des films sur la résistance thaïlandaise face aux envahisseurs birmans. Cette résistance a duré des siècles et constitue donc un formidable réservoir d’aventures pour les réalisateurs.
Les Thaïlandais sont-ils amateurs d’autres genres ?
Les films d’action sont évidemment très populaires, ainsi que le cinéma fantastique.
L’intérêt pour ce dernier est lié à une culture religieuse diversifiée. Il y a le Bouddhisme qui est très présent en Thaïlande mais qui ne domine pas tout ; il y a aussi des croyances, comme dans la plupart des pays asiatiques, un peu chamanistes et ésotériques qui tendent vers une croyance de pratiques telles que la sorcellerie blanche ou noire. Ce terrain culturel et religieux est donc propice à un intérêt pour le genre fantastique et par extension au cinéma d’horreur.
Vous êtes également le réalisateur d’un documentaire sur le cinéma hongkongais. Selon vous, la rétrocession a-t-elle influencé le cinéma et la culture ?
Très peu, parce que Pékin n’intervient pas dans le cinéma à Hong Kong. La rétrocession s’est traduite par une rupture. Beaucoup de cinéastes ont eu peur et ont immigré ; certains sont d’ailleurs revenus quand ils se sont rendu compte que finalement il n’y avait pas vraiment d’influence de la Chine Populaire. Elle existe pourtant, mais d’une façon plus cachée, plus diffuse et plus subtile. Il y a en fait une sorte de reprise en main culturelle à long terme, notamment dans les universités et dans les journaux.
On peut parler d’une mauvaise influence ?
Il y a quand même eu un effet positif pour les cinéastes, puisque cela a permis à beaucoup de films hongkongais d’être des coproductions et de connaître une meilleure distribution. L’autre avantage, c’est que les réalisateurs peuvent assez facilement tourner en Chine et accéder à de formidables décors, parce que le problème de Hong Kong, c’est que c’est un très petit pays et les réalisateurs tournent toujours dans les même décors.
Quel est votre point de vue sur des réalisateurs comme John Woo ou Tsui Hark qui ont tenté une carrière américaine ?
John Woo a fait des films intéressants, avec des budgets conséquents. Malheureusement, ses films n’ont pas eu beaucoup de succès et aux Etats-Unis, sans succès c’est difficile de faire des films. Tsui Hark, ça ne s’est pas bien passé pour lui, il n’a fait que des films très médiocres. Il a fini par s’apercevoir qu’à Hong Kong, il avait une bien meilleure place, puisqu’il était réalisateur, producteur, il a aussi aidé beaucoup de gens dans le cinéma et, fort heureusement, il est rentré. Mais à la différence de John Woo, il n’a pas déménagé durablement aux Etats-Unis.
Propos recueillis par Julien Glandut dans le cadre du 12e Festival Cinémas & Cultures d’Asie (novembre 2006).
Copyright photos de Nicolas Dartiailh.
Pays : France