Hell de Yasutaka Tsutsui

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Un yakuza assassiné par un clan rival, un infirme carriériste et séducteur, un homme marié fou amoureux d’une jeune starlette, un acteur populaire de kabuki qui suscite les jalousies, un couple de sans-abris morts de froid dans un parc : tous ces personnages, après leur mort, se retrouvent en Enfer.

Dans l’Enfer de Yasutaka Tsutsui, une ville fantôme et un bar sans charme mais très semblables au monde réel, loin des représentations bibliques ou mythologiques, les morts racontent leur disparition avec indifférence ou humour. Ils croisent et discutent posément avec le patron qui les a licenciés, l’homme qui a couché avec leur femme… (les morts peuvent lire dans les pensées).
Car en Enfer, malgré la découverte des mensonges et des non-dits, plus rien n’a d’importance, on ne ressent plus rien, ni peur, ni colère, ni mépris, ni jalousie. L’Enfer est un purgatoire. Hell pointe donc la violence des relations humaines et les masques absurdes que les sociétés contemporaines obligent à porter. Presque un paradoxe, Hell n’a d’autre sujet que la mort mais il s’y dégage une ambiance on ne peut plus sereine. Où est le vrai enfer, sur Terre ou en Enfer ?
Hell alterne également avec des considérations plus existentielles. Dénués de tous sentiments, les morts peuvent regarder de manière lucide et extérieure leur propre parcours, leur vie passée, leurs erreurs et leurs échecs. Que n’auraient-ils pas dû faire ou, encore mieux, qu’auraient-ils dû faire ? Qu’est-ce qu’ils laissent derrière eux ? L’Enfer devient l’occasion pour les protagonistes de comprendre qu’ils ont tous, de leur vivant, fait ce qu’il fallait pour y finir.
Roman sans réel début ni fin véritable, la forme semble épouser le fond, un au-delà sans contours déterminés, les allers-retours dans la narration entre monde réel et Enfer le prouvent. De plus, pour renforcer l’atmosphère d’au-delà, Tasutaka Tsutsui opte pour l’alternance de petites séquences sur les histoires et points de vue des multiples personnages. On les croise, les recroise, mais ils repartent toujours bien vite dans l’ombre, tels des fantômes. Peut-être aurait-il fallu se concentrer sur seulement certains d’entre eux car les personnages de Tsutsui manquent finalement de charisme et de profondeur.

Éditeur : Wombat

Pays : Japon

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