En Chine, la rue change… mais pas les trains

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Voyez comme le monde change, comme la vie change, comme la Chine… et comme vous changez ! dit une pub qui passe en boucle à la télé. Moi, je vois comme la rue change.

Tout le monde a en mémoire ces flots de vélos qui roulaient en masse dans les villes chinoises, les conducteurs transportant dans leurs dos familles, matériel volumineux, ou des denrées alimentaires, le tout ficelé en impressionnantes pyramides instables. La loi a mis fin à cette pratique, exigeant que les cyclistes circulent seuls exception faite pour les parents et leurs jeunes enfants.

Contrairement à l’interdiction de cracher (A la “une” d’un journal du soir, on a pu lire la semaine dernière : toute personne qui crachera recevra une amende de cinquante yuans), les Chinois respectent ce texte et ont transformé leur mode de transport préféré en “triporteur”. Rien de plus simple, deux roues arrière et deux usages : professionnel pour les outils, les matériaux, les étals du petit commerce, le résultat moins spectaculaire est aussi plus efficace. Par contre, l’usage familial révèle les capacités d’adaptation de ce peuple, la remorque est souvent aménagée pour recevoir trois générations avec des bancs plus ou moins confortables, entourés de ridelles auxquelles se cramponner, j’en ai vu quelques-uns équipés d’un fauteuil de bureau pivotant, offrant une vue panoramique à 180°.
A la ville comme à la campagne, ce genre de tricycle connaît un franc succès, dans le quartier des ambassades de San Li Tun des vieilles dames l’utilisent très élégamment pour faire leurs courses. Cela n’empêche pas la montée en puissance de la voiture particulière, Pékin aurait enregistré cet hiver une moyenne de 1 100 nouvelles immatriculations par jour.

Le train est le transport collectif le plus utilisé, à la portée de toutes les petites bourses. Je le prends souvent pour aller à Tianjin (un peu plus de 100 km de Pékin), à la gare de mon quartier, le billet coûte 17 yuans et je n’y vois jamais d’étrangers. Les wagons ne sont pas pleins mais toutes les banquettes sont déjà occupées par des gens qui dorment ou qui font semblant, je replie une paire de jambes féminines pour gagner un peu de place et j’engage une conversation aimable avec ma voisine. Dans ce sens, ça se passe bien, le retour sera beaucoup, beaucoup plus animé…

Dans la gare de Tianjin, plus d’une heure avant le départ de 15h, la salle d’attente est bondée, c’est le dernier voyage à 30 yuans, les suivants seront à 40. Les gens sont calmes, vivent leurs vies, habitués à attendre ils mangent, boivent, fument, crachent, jouent aux cartes, lisent, dorment dans un boucan épouvantable. Les bagages les plus variés vont de la traditionnelle valise à roulettes aux énormes sacs de grosse toile, noués par deux et jetés sur les épaules d’un seul homme. Tianjin est un important lieu de passage où les minorités ethniques se croisent, du nord au sud et d’est en ouest. Un jeune couple retient mon regard, la maman joue très vivement avec leur bébé, le père à la bedaine déjà bien ronde fume à côté tout en sirotant sa bière. La mère encourage alors sa petite fille à faire pipi, pour cela elle remet un biberon à son mari qui le donne de la main droite, la gauche restant libre pour la bière et la cigarette, puis elle écarte le trou du pantalon et maintient l’enfant en bonne position jusqu’à ce qu’un petit filet coule entre les rangées. J’ai trouvé cette famille chinoise sympathique, semblant heureuse de la vie qui lui est offerte, d’une certaine façon moderne.

Un peu plus loin, un groupe familial plus nombreux et attachant attire mon attention, une autre jeune femme et son bébé dans les bras dorment profondément. Ils sont entourés d’hommes et de femmes plus âgés, tous affalés sur des bagages volumineux, ils ne jouent pas, ne cherchent aucune distraction. Leurs cheveux plus roux, leurs teints plus clairs, leurs statures plus carrées rappellent une origine plus nordique. Ils vont se réveiller bien avant tout le monde pour essayer de gagner les bonnes places dans la course infernale qui précède tout départ.

Prendre le train en Chine, est très intéressant pour les Occidentales curieuses comme moi, les Chinois quant à eux ne s’étonnent de rien.

A noter : l’info sur les 1 100 immatriculations a été lue dans le bulletin de Pékin-accueil.

février 2007

Pays : Chine

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