Le rire, excellent outil relationnel en Chine

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Le premier jour quand ma propriétaire m’a présentée au policier gardien de la résidence, nous nous sommes salués poliment, le lendemain je lui ai dit bonjour et il m’a répondu avec un sourire un peu malicieux, mais le troisième jour il a franchement éclaté de rire avec l’air de penser : est-ce que ça va durer longtemps comme ça ? Je persiste… Quant à lui, tout en riant, claquant ses bottes et portant sa main droite au bord de sa casquette il se redresse avant de m’ouvrir grand le portail. Ce petit scénario qui m’est réservé a créé entre nous un vrai lien amical. Les Chinois aiment rire spontanément, au premier degré, c’est ce qui me plaît parce que mon naturel prudent se méfie de l’humour.

Il faut bien rire pour quelque chose alors j’ai un truc pour provoquer. Tous les guides de voyage le disent, une des premières questions que l’on pose ici est : Quelle est votre nationalité ? Je réponds : française – je marque une courte pause – et toi ? En chinois ça sonne mieux : fa guo… ni na ? Ca a l’air bête, pourtant le succès est garanti, je suis sympa de le livrer. Je l’ai testé il y a quelques jours à un serveur de restaurant qui a failli s’étrangler, il est parti en courant dans les cuisines pour raconter l’histoire à ses collègues.

Les spectacles dans les rues attirent les foules enthousiastes. Tout près de l’immeuble où j’habite, se trouve une grande place où des bonimenteurs professionnels viennent régulièrement faire leurs numéros d’attraction. Installés sur une estrade recouverte de tapis rouges, ils tentent de vendre leurs marchandises, le plus souvent un modèle de téléphone portable. Ce sont pourtant les scènes spontanées où chacun peut être acteur qui ont le plus de succès. Ca m’est arrivé récemment.

J’allais acheter dans la rue des tickets de bus pour l’aéroport quand, devant la billetterie, un homme me bouscule sur ma gauche – resquiller dans les queues est un jeu chinois – je le repousse de mon coude gauche, presque dans le même instant j’arrête un profiteur que je n’avais pas vu venir sur ma droite puis je sens comme un souffle dans mes cheveux, c’est mon attaquant de gauche qui essaie de négocier par-dessus ma tête. Je l’arrête d’une main, de l’autre je donne mon argent aux trois (ils sont bien trois) employés ravis. Je me retourne pour voir les spectateurs hilares autour de mon mari : c’était très bon, le public a apprécié.

Le spectacle de la rue c’est comme un jeu et on ne gagne pas tout le temps, j’ai en mémoire une mauvaise expérience qui date de quelques années. J’étais dans un bus et je souhaitais descendre à un arrêt régulier, le chauffeur ne l’entendait pas ainsi, il a seulement ralenti, c’était l’été, les portes étaient ouvertes, j’ai été propulsée sans ménagement sur le trottoir. Je me suis ramassée sans mal sur mes quatre pattes, surprise par les éclats de rire qui fusaient du bus. Ils avaient gagné et moi je devais apprendre à être bonne joueuse pour revenir en Chine. J’ai compris aussi que ce sont les situations qui sont drôles, il n’y a pas de moqueries dirigées vers des personnes, tout le monde vit sans crainte du fameux “regard de l’autre” dans la rue chinoise.

(février 2007)

Pays : Chine

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