Dôgen (1200-1253) est né dans la haute aristocratie nipponne. Il est apparenté à l’empereur. Durant toute sa jeunesse, il s’imprègne de la culture des palais seigneuriaux. Sa vie durant, il en garde un profond attachement pour la poésie. Avant de mourir, sa mère lui conseille de se faire moine. Peu attiré par les intrigues de la cour, il suit cette voie(1).
Après un voyage en Chine, il ramène le zen sôto. Pour l’enseigner au mieux, il fonde le temple Takatsu-ji, loin de Kyoto, sa ville natale. Là, il peut se consacrer pleinement à la méditation et à l’écriture de poèmes en chinois, Kanshi ou gesu. Plus que tout, cependant, c’est au travers du Waka, chant du pays de Wa (2), le Japon, qu’il se livre le plus ouvertement. Contrairement à ses enseignements bouddhiques qui rejettent toute littérature.
Son œuvre majeure en ce domaine, le recueil, Sanshô-Dôei « louange de la Voix au Faîte du Pin parasol », ne sera publié que cent cinquante ans après sa mort. Trop intime, elle contrarie sans doute son enseignement doctrinal. Elle se compose de soixante trois textes dont seuls les deux derniers ne sont pas certifiés de sa main. Chacun est composé de deux tercets inégaux, le premier de 5, 7, 5 syllabes (le futur haïku, voir ci-dessous), le second de 7, 7 syllabes.
Yoko Orimo a traduit et conçu cet ouvrage d’une rare érudition. Il est bon de le lire et le relire pour mieux s’en imprégner. Grande spécialiste de maître Dôgen, l’autrice nous donne accès à un monument de la poésie grâce à un travail sans concession. Elle nous permet de comprendre que la beauté du waka est avant tout d’ordre sonore, soit chanté, soit récité. L’oralité prévaut ainsi sur l’écrit.
Une analyse structurée pour chacun des textes permet au lecteur de se plonger avec bonheur dans cette poésie autochtone.
En fin d’ouvrage, une étude stylistique renforce les pistes de compréhension de ce chef-d’œuvre. Encore une fois, Yoko Orimo nous immerge dans la culture ancestrale du Japon avec maestria et pédagogie.
Pour continuer à partager la poésie nippone, un recueil collectif de haïkus paraît en Folio Bilingue. Pour notre plus grand plaisir, nous retrouvons Corinne Atlan ainsi que Zéno Bainu qui ont sélectionné plus de trois cents poèmes de grands auteurs classiques.
L’ouvrage d’une grande sobriété fait la part belle aux textes et à leur compréhension. Tout d’abord nous pouvons apprécier l’esthétique de la calligraphie du poème sur une ligne (norme du haïku en japonais). Ensuite, nous lisons en rômaji (traduction du japonais en écriture occidentale). En regard, leur traduction nous révèle l’insondable rapport qu’entretiennent les Japonais avec la nature et les saisons.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique https://asiexpo.fr/dogen-maitre-zen-de-ryodo-awaya-et-fumio-hisamatsu/
(2) Lire notre chronique https://asiexpo.fr/le-kokin-waka-shu-recueil-de-poemes-japonais-dhier-et-daujourdhui/
Dôgen et la poésie, traduction du recueil de waka Sanshô-Dôei, 272 pages, 22€, éd. Sully.
COLLECTIF, Haïkus, traduit du Japonais, préfacé et annoté par Corinne Atlan et Zéno Bianu, 192 pages, 9,40€, Folio Bilingue, éd. Gallimard.