Amer Béton est l’œuvre du très reconnu Taiyou Matsumoto. Parlons un peu de lui. C’est le manga Dômu de Katsuhiro Otomo qui l’encourage à devenir mangaka en 1986. Il publie alors Straight, son premier manga dans l’hebdomadaire morning de Kodansha. C’est le manga Tekkonkinkurito sorti en 1994, rebaptisé Amer Béton en France qui lui permet d’acquérir la notoriété. Passons maintenant à l’œuvre proprement dite.
Blanko et Noiro sont deux orphelins vivant dans la ville de Takara, trésor en japonais. Les deux protagonistes principaux parcourent la ville et y font régner leur propre loi, n’hésitant pas à attaquer ceux qui s’opposent à eux. On les surnomme les deux chats du fait de leur agilité et de leur capacité à bondir de toit en toit. Ils surplombent la ville et ainsi voient tout ce qu’il s’y passe. Jusqu’au jour où un yakusa et ses hommes de main décident de les éliminer purement et simplement pour servir leur projet de changer la ville…
Durant tout le manga l’auteur s’attache à nous présenter la ville comme un véritable personnage qui évolue et englobe les protagonistes. En effet Takara fourmille de détails empruntés à diverses cultures, comme des statues s’inspirant de l’île de Pâques ou encore des statues d’éléphants qui nous évoquent l’Inde. Cette ville est toutefois très typée mégalopole asiatique avec ses buildings et ses façades que l’on s’imagine très colorés, avec énormément d’informations publicitaires. On a l’impression que la ville gémit et change, et ce de sa propre volonté. Cette dernière s’incarne dans les personnages de Noiro et Blanko, le premier symbolise le côté sombre de la ville et ne semble avoir aucune notion du bien et du mal, et le second incarne la clarté, l’innocence et la pureté. En effet, Blanko déteste la nuit, car il pense qu’il va mourir et cela l’angoisse grandement. Ces moments-là sont ceux que choisit Noiro pour sortir et racketter les passants. Les deux chats évoquent leur complémentarité par leur nom : noir et blanc qui peuvent symboliser la mystique du yin et du yang. Ils représentent l’équilibre parfait, l’un ne va pas sans l’autre. Les changements opérés dans la ville par les yakusas, en l’occurrence la construction d’un parc d’attraction afin de pousser la population à consommer et à ne s’intéresser qu’au loisir, vont de pair avec l’évolution de Noiro et Blanko qui s’éloignent l’un de l’autre.
Le thème du changement est très présent dans l’œuvre de Matsumoto et l’on suit avec bonheur l’évolution de tous les personnages ainsi que leurs aspirations pour un futur meilleur, ils ont tous une profondeur insoupçonnée au début du manga, et se révèlent bien plus complexes par la suite.
Le style graphique peut rebuter au début de la lecture, il parait imprécis et hésitant. Au bout de quelques pages cette première impression s’estompe et laisse place à un véritable dynamisme dans la mise en scène, dans le trait et dans la façon de présenter les combats. Une richesse incroyable se dégage de chaque planche et plus particulièrement des planches présentant chaque chapitre. Le support manga noir et blanc est très bien exploité par Matsumoto, qui joue avec les deux couleurs pour un rendu saisissant.
L’auteur ne nous livre pas là une vision manichéenne du monde, bien au contraire, la vérité a plusieurs visages, et les héros ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Taiyou Matsumoto nous offre à travers cette œuvre une vision violente, onirique, poétique et tellement humaine de l’existence.
Éditeur : Tonkam
Pays : Japon