Amants crucifies [Les] / Intendant Sansho [L’] de Kenji Mizoguchi

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Mizoguchi à l’honneur chez Films Sans Frontières, avec la parution d’un coffret regroupant les deux classiques de 1954 que sont Les Amants crucifiés et L’Intendant Sansho, accompagnés d’une monographie de Jean-Christophe Ferrari (de la revue Positif) traitant des Amants crucifiés.

Parfaitement maîtrisées, ces oeuvres mêlent tradition littéraire et théâtrale japonaise à un propos réformateur social radical, portant un regard très moderne sur ces contes historiques.
Dans Les Amants crucifiés, nous suivons le destin, vous l’aurez compris, tragique, d’un couple d’amants adultérins. Mizoguchi filme avec distance la mise en place implacable du destin, crée l’emprisonnement en se concentrant sur les intérieurs, surligne la médiocrité des hommes appâtés par l’argent, gonflés d’orgueil, et montre également la position traditionnelle de la femme, soumise et réifiée.
L’amour n’est cependant pas une force préexistante, étouffée par les codes sociaux, mais un processus de rébellion qui apparaît progressivement dans le film conjointement au besoin de liberté des protagonistes, trop purs pour cette société d’apparences et de secrets.
Il ne s’agit donc pas d’une tragédie au sens classique du terme, et il semble presque que c’est le contexte lui-même qui génère et précipite les événements.
L’Intendant Sansho, paru la même année, délaisse la société bourgeoise du XVIIIe siècle pour la noblesse du XIe siècle. Nous suivons le destin de deux enfants d’un gouverneur de province, qui seront enlevés et vendus comme esclaves au service du cruel intendant Sansho. Plus long que le film précédemment évoqué, celui-ci est pourtant beaucoup plus dynamique. La caméra de Mizoguchi se fait moins distante pour suivre la vie de ces personnages depuis leur enfance, le scénario est plus lyrique.
A travers ces personnages de haute naissance, devenus esclaves, le réalisateur montre la fragilité des normes de classe. Plus tard, leur statut social se verra à nouveau bouleversé, mais encore de manière très aléatoire. Le portrait de la vie des esclaves est sans concession, emprunt parfois d’une certaine brutalité (la scène du “marquage” à la braise des fuyards…).
La cruauté hante ces deux films : par-delà la dénonciation virulente, Mizoguchi porte un regard cynique sur l’Homme, plus volontiers porté vers l’exploitation de ses congénères que vers l’entraide.

Éditeur : Films Sans Frontières

Pays : Japon

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