C’était en 1987, à une époque où le cinéma singapourien ne produisait rien et où la censure était autrement plus rude qu’aujourd’hui, que des cinéphiles australiens (Geoffrey Malone et Leland Whitney) eurent l’idée de proposer au gouvernement la tenue d’un festival de cinéma international, qui participerait au rayonnement de la Cité-État. Le Singapore International Film Festival (SIFF) était né. Oasis de liberté, ce festival draine tous les amateurs de bobines originales, qu’ils n’auront peut-être plus jamais l’occasion de revoir dans ce pays souvent assez tatillon sur les questions de censure. Certains films, comme “15” de Royston Tan (récompensé par le jury presse au 10e Festival Etoiles & Toiles d’Asie de Lyon ), n’ont pu être montrés en intégralité que dans des festivals de ce type, leur diffusion à Singapour étant encore aujourd’hui interdite. Au-delà de cette fenêtre ouverte, ce festival est aussi une formidable vitrine de la création cinématographique mondiale et une bonne occasion de voir les nouvelles réalisations des cinéastes de l’Asie du Sud-Est, une zone en pleine croissance dans ce domaine.
Avec, du 13 au 29 avril 2006, 300 films proposés, dont plus de 200 longs-métrages, le 19e SIFF se positionne comme le plus important festival d’Asie du Sud-Est (avec celui de Bangkok), voire comme un des tout premiers d’Asie. En raison de cette programmation pléthorique, chaque film n’a droit qu’à une seule séance, ce qui parfois oblige des choix douloureux, les projections se tenant dans quatre lieux différents, souvent en simultané. Impossible donc de tout voir et difficile d’ailleurs de voir beaucoup de films, les salles étant en général bondées.
OUVERTURE / CLOTURE : TENDANCES 2006 ?
Le SIFF propose plusieurs sections thématiques et moments forts. Le choix des films d’ouverture et de clôture est censé indiquer les grandes tendances de cette manifestation ; cette année, le film libanais “KISS ME NOT ON THE EYES/NE M’EMBRASSE PAS SUR LES YEUX” de Jocelyne Saab avait l’honneur de l’ouverture et illustrait la volonté du SIFF de promouvoir le cinéma du Moyen-Orient. Royston Tan, enfant terrible du cinéma singapourien, présentait en clôture “4:30”, son film le plus apaisé et le moins tape-à-l’oeil (quoique…), déjà projeté auparavant au 56e Festival de Berlin et au Festival asiatique de Deauville. Moyen-Orient en mutation et jeune cinéma singapourien créatif : tels étaient donc, pour les organisateurs du SIFF, les deux mouvements de grande ampleur à suivre dans les prochaines années.
Plus qu’un making-of, “SORANO” est un documentaire, ponctué d’effets psychédéliques, sur Asano et son équipe. Seul problème : la copie diffusée était malencontreusement en japonais non sous-titré, ce qui fit fuir 90% d’une salle déjà passablement agacée par le décevant “TORI”. Les textes défilent à toute allure, les interviewés multiplient les plaisanteries et escapades philosophiques avec un débit à donner le tournis – aussi, votre humble serviteur, avec son pauvre niveau de japonais, serait bien incapable de prétendre avoir tout compris. L’essentiel reste que ce document ait le mérite de faire la part belle à l’équipe de “TORI”, constituée de musiciens créatifs, d’un dessinateur délirant mais au talent discutable, de techniciens concernés, d’un danseur subtil et d’acteurs contents d’être là. Le tout illustre la conception du cinéma selon Asano, vu comme une synthèse entre des éléments non cinétiques (la musique, le dessin, l’écriture) et la synergie créée au sein d’une équipe de tournage. Fort bien, mais dommage que cette vision débouche sur un moyen-métrage aussi médiocre que “TORI”. Heureusement, l’humour tempère quelque peu l’impression de complaisance et d’autocongratulation qui se dégage de “SORANO”.
Pays : Singapour