Yoga Shalala de Jeanne Burgart Goutal et Aurore Chapon paraît aux éditions Tana.

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La première est philosophe, normalienne, enseignante, spécialiste de l’écoféminisme ; la seconde est une artiste pluridisciplinaire et notamment autrice de BD. Ensemble, elles avaient déjà publié, en 2021, un autre roman graphique, Resisters, justement sur l’écoféminisme.

Avec Yoga Shalala, c’est l’univers touffu et contradictoire du yoga qu’elles explorent. Et Jeanne Burgart Goutal sait de quoi elle parle après 10 ans de pratique, de lectures, de voyages en Inde (de Navdania à Rishikesh) et autres formations autour du yoga (de Patanjali, tantrique et autres). C’est donc son expérience dans cette « voie » qu’elle raconte avec beaucoup d’humour dans cette autofiction colorée. De la pratique occidentale comme un sport, une gymnastique ou un élément de développement personnel aux racines indiennes d’une véritable mystique millénaire, en passant par sa philosophie, elle se rend compte de ses contradictions.

En effet, ce même mot de sanskrit définit tout et son contraire. «  Le yoga, à l’origine, c’est de la méditation » lui dit le maître Masterji  « un Indien versé dans la philosophie et l’interprétation des textes sacrés ». On est donc passé d’une pratique spirituelle, philosophique, à une pratique physique. Elle l’illustre par la fameuse « salutation au soleil » surya namaskar, passée de « rituel d’adoration » à « activité de fitness impliquant de transpirer ! ». La mondialisation est, bien sûr, passée par là. On compte effectivement 350 millions de pratiquants dans le monde, dont 8 rien qu’en France, et surtout des femmes appartenant aux CSP+ ! Un marché juteux donc. Et un cliché qui se retourne comme un gant car, à l’origine, c’était des hommes qui pratiquaient !

La philosophe-yogi nous entraîne dans les méandres de son cheminement, accompagnée de son singe fou, Chitta, le mental. Il donne lieu à des dessins très drôles qui rendent le livre virevoltant et joyeux, malgré l’extrême complexité de son sujet et l’énorme documentation qu’il véhicule. En effet, en bonne philosophe, Jeanne Burgart Goutal s’est plongée dans les textes, est remontée à la source et présente nombre de grandes figures. Elle donne aussi accès à une « petite bibliothèque du yoga » qui va du Veda (1500 avant notre ère) aux traités du yoga moderne.

Mais surtout, elle relie son sujet à d’autres courants contemporains comme l’écoféminisme et met en avant ses représentantes, notamment l’Indienne Vandana Shiva (1) pour qui « respecter la terre et sa biodiversité, c’est du yoga. »

Impossible donc de résumer cet épais volume tant il est riche et extrêmement documenté. Sans parler du dessin foisonnant d’Aurore Chapon qui rend bien compte à la fois de l’érudition du propos et de sa complexité. En fin de compte, on comprend que pour Jeanne Burgart Goutal, le yoga est plus une philosophie de vie qui lui fait goûter à « l’intensité du rien », qui la rend libre, plus que l’accomplissement de « postures acrobatiques sur un tapis ».

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire nos chroniques : https://asiexpo.fr/les-memoires-terrestres-de-vandana-shiva-sortent-en-librairie/ et https://asiexpo.fr/qui-nourrit-reellement-lhumanite-de-vandana-shiva-sort-en-librairie/

Yoga Shalala de Jeanne Burgart Goutal et Aurore Chapon, 240 pages, 22€, collection Nouveaux récits, éd. Tana. En librairie le 21 mars 2024.

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