Une fois encore, les éditions Métailié nous font redécouvrir un écrivain majeur trop peu connu en France. Il s’agit de Galsan Tschinag, auteur mongol de langue allemande. Son premier livre, Ciel bleu, retrace ses jeunes années dans l’aïl familial (campement de yourtes rassemblant plusieurs familles) dans les monts du Haut-Altaï.
Né en 1944, donc sous le régime communiste, il suit des études à Leipzig dans l’ancienne RDA à partir de 1962. Revenu en Mongolie il enseigne l’allemand en même temps qu’il entame une carrière d’écrivain.
Le peuple Touva, dont l’auteur est issu, est de tradition orale. Grâce à l’écriture du jeune homme, il se découvre un passeur pour nous conter les mœurs et coutumes de cette société nomade d’éleveurs et de chasseurs. Ainsi, nous côtoyons avec aisance et enthousiasme ce mode de vie si décalé par rapport à celui de l’Occident.
Pour l’enfant, la perception de son environnement a vraiment commencé par l’accueil de celle qu’il considère comme sa grand-mère, Enej. Alors qu’elle n’est en rien apparentée à sa famille. Mais un lien très fort les unit jusqu’à considérer qu’elle ne peut mourir. Bien sûr, il en ira autrement. C’est un choc pour le jeune narrateur.
Il s’en remet en parcourant la steppe avec son chien Arsylang. Mais l’adolescent perd son fidèle compagnon, victime d’un empoisonnement. La rudesse des aléas de la vie conjuguée à celle du climat si particulier de cette région (lire le terrible passage concernant le dshut-tempête) forgent le caractère si communicatif de l’écrivain et ce pour notre plus grand plaisir.
Depuis des années, nous faisons découvrir à nos lecteurs la profondeur authentique du monde mongol (1). C’est aussi grâce à des auteurs tels que Galsan Tschinag que nous nous ouvrons à cet univers si chatoyant des grands espaces. Par sa langue délicate d’une grande acuité, il nous amène à repenser jusqu’à notre mode de vie, ô combien sédentaire. Sans ostentation, il nous imprègne de ce qu’est le fondement même de la nature et la manière de vivre en harmonie avec elle. On est loin de l’écologie superficielle.
Un régal sans pareil, au souffle vivifiant, qui nous transporte dans l’atmosphère rude et sans concession d’un monde de plus en plus fragile.
En outre, gageons que les éditions Métailié publieront en poche les autres ouvrages de Galsan Tschinag. Nous permettant, par là-même, de découvrir l’infinie diversité de ce monde nomade au travers de la sensibilité si prégnante de leur auteur.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire nos chroniques des livres de Tigran entre autres.
Ciel bleu de Galsan Tschinag, 1994, 160 pages, 9 €, collection de poche Suite, éd. Métailié. En librairie le 19 avril 2024.