Yasujiro Ozu est l’un des cinéastes nippons les plus importants du XXè siècle de par le nombre (54 films entre 1927 et 1962) de ses films mais aussi par leur qualité. Bien que découvert tardivement en France : c’est en 1978 que l’on découvre Voyage à Tokyo, ses films deviennent vite des classiques unanimement appréciés par toutes les générations. Cette rétrospective en 10 films met en lumière la dernière période du cinéaste, sa maturité, sur une douzaine d’années. Il y passe des grands drames en noir et blanc comme Printemps tardif en 1949 ou Voyage à Tokyo en 1953 à la couleur avec Fleur d’équinoxe en 1958. C’est aussi l’époque de sa comédie sociale Bonjour en 1959 et de son ultime chef d’oeuvre : Le goût du saké en 1962.
D’un point de vue formel, on y retrouve sa marque de fabrique : des plans fixes et une caméra à hauteur de tatami qui donne à sa mise en scène une grande épure et qui permet au spectateur de trouver sa place au cœur des situations montrées. On y retrouve aussi ses thèmes de prédilection : le quotidien avec ses joies et ses tracas, le temps qui passe avec les jours, les saisons ; les familles qui se disloquent avec leurs liens qui se distendent, la perte des traditions et l’occidentalisation du Japon. Wim Wenders a magnifiquement analysé ce cinéma qui, bien que nippon, est universel : « Les films d’Ozu parlent du long déclin de la famille japonaise, et par là même, du déclin d’une identité nationale. Ils le font, sans dénoncer ni mépriser le progrès et l’apparition de la culture occidentale ou américaine, mais plutôt en déplorant avec une nostalgie distanciée la perte qui a eu lieu simultanément. Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. Vous pouvez y reconnaître toutes les familles de tous les pays du monde ainsi que vos propres parents, vos frères et sœurs et vous-même. Pour moi le cinéma ne fut jamais auparavant et plus jamais depuis si proche de sa propre essence, de sa beauté ultime et de sa détermination même : de donner une image utile et vraie du 20e siècle. »
Avec Herbes flottantes, son 50è film, Ozu réalise un remake d’une de ses œuvres de jeunesse muette et en noir et blanc. C’est une de ses rares réalisations en couleurs et il y trace, en filigranes, un autoportrait désabusé. En effet, il met en scène un vieil acteur de kabuki en perte de vitesse, qui ne s’est jamais fixé, qui a connu des hauts et des bas. On peut y voir Ozu lui-même qui s’est donné totalement au cinéma, art quelque peu réprouvé par les tenants d’une culture nippone traditionnelle…
Il faut donc découvrir ou redécouvrir ces grands classiques dans la fraîcheur des salles obscures !
Notons aussi qu’à Lyon, le cinéma Lumière Terreaux accueillera une rétrospective de 8 films de Kenji Mizoguchi à partir du 31 juillet, à l’occasion de la restauration en copie numérique 4K des films Les Contes de la lune vague après la pluie (1953), L’Intendant Sansho (1954), Les Amants crucifiés (1954) et La Rue de la honte (1956). Oyu-sama (1954), Les Musiciens de Gian (1953), Une femme dont on parle (1954) et L’Impératrice Yang Kwei-Fev (1954), quatre films proposés en copies numériques restaurées 2K, compléteront cette rétrospective pour redécouvrir sur grand écran l’œuvre de cet autre maître japonais.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Yasujiro Ozu, rétrospective en 10 films (printemps tardif 1949 • été précoce 1951 le goût du riz au thé vert 1952 voyage à Tokyo 1953 • printemps précoce 1956 crépuscule à Tokyo 1957 • fleurs d’équinoxe 1958 bonjour 1959 • fin d’automne 1960 • le goût du saké 1962) dans leur version restaurée, en salle le 31 juillet en versions restaurées 2K et 4K. Herbes flottantes (1959) en salle le 17 juillet.