Water de Deepa Mehta

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Water : le cellulo�d au secours des veuves en Inde

Dans l�Inde des ann�es 30, Chuyia, 7 ans vient de perdre son mari. Comme le veut la coutume, elle est envoy�e dans une maison de veuves. Elle rencontre Kalyani, jeune et belle, mais contrainte de se prostituer pour subvenir aux besoins de la maison. Celle-ci tombe amoureuse de Narayan, un jeune id�aliste admirateur de Gandhi et issu d�une riche famille de Seths (seigneurs f�odaux). Leur amour parviendra-t-il � vaincre la tradition selon laquelle le remariage est strictement interdit aux veuves ? Qu�adviendra-t-il de Chuyia, condamn�e � une vie sans enfance et sans plaisir ?

Apr�s avoir lutt� pour les droits des homosexuels (dans Fire) et d�nonc� les massacres interreligieux (dans Earth), Deepa Mehta s�attaque dans le dernier volet de sa trilogie � la condition des veuves en Inde. Confin�es dans leur ashram, soumises � un r�gime alimentaire strict, elles en sont r�duites � la mendicit� et consid�r�es comme impures et signes de mauvais augure. Mais au-del� de la condition des veuves, la r�alisatrice nous montre � quel point les hommes s�accommodent des pires traditions lorsqu�il s�agit de pouvoir et d�argent. Deepa Mehta veut visiblement en finir avec ces coutumes d�un autre �ge, ce qui n�est pas du go�t des fondamentalistes hindous, qui lors d�un premier tournage en 2000 � Benar�s ont violemment manifest�, br�l� les d�cors et menac� l��quipe. Le tournage n�a pu reprendre qu�en 2003 au Sri Lanka, et ce dans le plus grand secret.

Au d�but du film, la r�alisatrice illustre la condition des veuves avec la citation : �Une veuve souffrira jusqu�� la mort dans la chastet�. L��pouse vertueuse ira au paradis � la mort de l��poux. La femme infid�le sera r�incarn�e en chacal.� tir� du texte Manu Smriti (�crit Ier, IIe si�cle ap. JC). Certains historiens remettent en cause ces textes : avant la colonisation anglaise, le Manu Smriti n��tait que rarement utilis� pour d�finir les pratiques sociales hindoues. Ressuscit�e et r�interpr�t�e par les acad�miciens occidentaux, la nouvelle version servait � affaiblir la culture divisant ainsi les peuples pour mieux r�gner. En tout cas, inspir�es du texte ou pas, les pratiques d�nonc�es dans le film sont bien r�elles et d�plorables. L�utilisation de cette citation para�t donc un peu simpliste et superflue.

La duret� de l�histoire est un peu att�nu�e par la beaut� et la fluidit� des images ainsi que par le couple d�acteurs, Lisa Ray et John Abraham, tous deux mannequins bien connus des spots publicitaires indiens. Le jeu de Sarala (dans le personnage de Chuyia), jeune Sri Lankaise rep�r�e par la r�alisatrice, est touchant et sinc�re. La musique d�A.R. Rahman, la r�citation d�un po�me de Kalidas (Megh doot, – le nuage messager – �crit en sanskrit entre le Ier et le Ve si�cle) et de Byron (She Walks in beauty, 1814), ou encore la pr�sence de l�eau donne au film sa musicalit� et sa fluidit�. L�atmosph�re peut rappeler les films de Satyajit Ray : la vieille veuve ressemble �tonnement � la grand-m�re d�Apu dans Pather Panchali.

Water pr�sente �galement une galerie de personnages secondaires bien d�velopp�s. Gulabi, l�eunuque, rapporte chaque soir � la matriarche de la maison l�actualit� politique du pays ainsi que les comm�rages du quartier. Il lui d�crit Gandhi comme quelqu�un qui lutte pour l�ind�pendance de l�Inde et �qui ne couche jamais avec les femmes�. Il est �galement maquereau et fournisseur d�opium pour le foyer des veuves. Le personnage du pr�tre repr�sente la tradition et dicte les r�gles de vie religieuses aux villageois. Il n�h�site pas � interpr�ter les textes sacr�s selon la situation et son propre int�r�t. Enfin, le Mahatma Gandhi fait symboliquement figure de messie qui passe de village en village pour purger la douleur des opprim�s, tout en ancrant le film dans une r�alit� historique.

Vous l�aurez compris, Water touche le spectateur droit au coeur. Aller le voir est un moyen de soutenir la libert� d�expression artistique, de lutter contre l�abus sexuel des enfants, et contre certaines pratiques cruelles exerc�es au nom de la tradition. Un chef-d�oeuvre � ne pas manquer, d�autant plus que le film est largement distribu� en France (26 copies).

Sougata Bhattacharya
septembre 2006

Site international du film : http://www2.foxsearchlight.com/water

Informations et controverses sur le texte Manu Smriti : http://en.wikipedia.org/wiki/Manu_Smriti

Date de sortie française : 06/09/2006

Acteurs : Seema Biswas, Lisa Ray, John Abraham, Sarala

Pays : Inde

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