Vengeance is mine & Eijanaika de Imamura Shohei

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Iwao Enokizu a été un escroc et tueur en série célèbre pour ses méfaits dans le Japon des années soixante. Le film recrée certains épisodes de sa jeunesse, puis ses meurtres de sang-froid avant de s’attarder plus longuement sur les derniers jours avant son arrestation.
Après une longue pause (forcée) de près de dix ans suite au retentissant échec de son précédent “Profonds désirs des Dieux”, IMAMURA se voit en 1979 proposer la réalisation de l’adaptation d’un livre de Ryozu Saki concernant le tueur en série Iwao Enokizu. Plutôt que de recourir à une simple reconstitution historique, le cinéaste prend l’audacieux pari d’en tirer un long métrage de fiction à la narration déstructurée. Telles les pièces d’un puzzle, les incessants sauts temporels permettent petit à petit de se faire une meilleure image de l’horrible assassin, sans que le cinéaste ne prenne aucun parti, ni ne tire aucune conclusion quant aux réelles motivations de son personnage central. Cette habile procédure obligeant le spectateur à se forger sa propre opinion incite d’autant plus à la réflexion et résulte une plus grande implication émotionnelle. L’interprétation de Ken Ogata, plus connu pour ses rôles dans des yakuza eiga (films de yakuzas), est parfait dans le rôle principal d’un homme tantôt dangereusement doux, tantôt calmement menaçant. Rarement le portrait d’un hors-la-loi n’aura été aussi froid et prenant ! Un chef-d’œuvre.

Parmi les bonus, un intéressant échange entre le critique Charles Gassot et le réalisateur Cédric Kahn (“Roberto Suco”) et l’excellente analyse d’une vingtaine de scènes extraites du film par Gassot.
En 1867, le pauvre paysan Genji revient au pays après avoir fait naufrage avec un bateau à destination des Etats-Unis. Rêvant de repartir pour la Terre Promise, il retrouve sa femme Iné, vendue après son départ comme prostituée dans la capitale. Tous deux seront pris – bien malgré eux – dans la tourmente politique du Japon à l’aube d’une ère nouvelle.
Suite à l’immense succès de son précédent “La Vengeance est à moi”, IMAMURA peut réactiver un de ses anciens projets lui tenant particulièrement à cœur. Fresque ambitieuse, l’histoire décrit les derniers jours de l’ère conservatrice japonaise Edo avant l’avènement d’un nouveau régime politique placé sous le signe de la modernité et prospérité économique. Moins le destin d’une seule personne, le réalisateur dépeint à travers son histoire – et des personnes qu’il fréquente – le destin de toute une classe populaire démunie face aux profonds changements d’une société qui les dépassent. En résulte un joyeux foutoir anarchique, pas très éloigné des délires visuels d’un Fellini italien ou – plus proche de nous – d’un Kusturica dans une délirante épopée festive. Même si certains sous-contextes politiques risquent d’échapper à ceux peu affiliés avec l’Histoire du Japon, l’intrigue riche en rebondissements est parfaitement limpide et emporte le spectateur dans un irrésistible tourbillon de vives émotions.
Pour ceux qui souhaiteraient en connaître davantage sur les coulisses politiques, le film de 1981 est accompagné par une belle introduction de Charles Gasson, une exhaustive interview entre le critique Charles Tesson et l’historien du cinéma Hubert Niogret, ainsi que d’un commentaire thématique sur une dizaine de scènes par Charles Tesson. Regorgeant de multiples informations indispensables, leur présence prolonge agréablement le film.

Éditeur : MK2

Pays : Japon

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