Dans son dernier opus, Une nouvelle histoire des samouraïs, Julien Peltier décrypte par le menu toute l’ambiguïté de la saga des guerriers nippons.
En racontant la guerre du Genpei, le Heike monogatari : dit des Heiké (1180), relate le début de la captation du pouvoir impérial par la classe guerrière, qui dura près de sept siècles.
En effet, à la suite de cette guerre, menée par les Minamoto contre les Taïra, la première dynastie de shoguns émerge. C’est celle dite de Kamakura (1185-v.1333). Après une courte restauration impériale en 1330, une deuxième famille s’empare du pouvoir, celle des Ashikaga (1336-1573). Elle instaure le siège de son gouvernement dans le quartier de Muromachi à Kyoto. Les Tokugawa composent la troisième famille qui unifie définitivement l’Archipel après à sa victoire à la bataille de Sekigahara en 1603 (1). Le nouveau Shogun s’installe alors dans le village d’Edo qui donnera son nom à la période et deviendra Tokyo.
Si les guerriers règnent sans partage, jamais ils n’évincent l’empereur. Au contraire, par des mariages sans cesse renouvelés avec la famille impériale, ils assoient leur légitimité grâce ce stratagème. En effet, celle-ci ne va pas de soi. Si l’art de la guerre est de tuer, les religions sur lesquelles s’appuient les samouraïs pour justifier leurs actes rentrent en contradiction avec elles.
C’est au prix de contorsions rhétoriques nombreuses qu’ils parviennent à asseoir leur hégémonie dans les esprits autant que sur les champs de bataille. Soit au travers des règles du bushido : la voie du guerrier, soit au travers de la mort comme but ultime tel que le Hagakure le préconise. L’éventration : seppuku est attestée dès la période Heian (794-1185). Elle demeure emblématique de la soumission du guerrier à son suzerain tout au long du règne militaire.
Bien que triomphant, le samouraï est de tout temps méprisé par la noblesse surtout celle de Heian. De l’autre côté de la sphère sociale, les guerriers sont aussi un continuel poids pour la paysannerie. Seul groupe social à nourrir des improductifs tout en subissant de lourds impôts.
Avec une intégrité historique sans concession, ce qui l’honore, l’auteur entreprend un tour d’horizon exhaustif de l’univers guerrier nippon trop souvent fantasmé. Au travers de son narratif, il retrace l’histoire de l’Empire du Soleil Levant avec une juste approche des faits. Il restitue admirablement les multiples rôles endossés par la classe militaire, souvent loin de l’image d’Épinal à laquelle la période Edo a voulu faire croire.
L’ouvrage est très dense ; Il fourmille d’informations aussi pertinentes qu’édifiantes, tout en étant fort aisé à lire. La fluidité des nombreux faits d’armes et récits rapportés par Julien Peltier rend, comme toujours, l’histoire du Japon prodigieusement captivante.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique de cet autre ouvrage de Julien Peltier : https://asiexpo.fr/sekigahara-la-plus-grande-bataille-de-samourais-de-julien-peltier/
Une autre histoire des samouraïs, le guerrier japonais entre ombre et lumière de Jean Peltier, 368 pages, 23€, éd. Perrin