Avec la guerre en Ukraine, on ne peut pas s’empêcher de voir une similitude à propos du rapport de force entre Taïwan et la Chine. Fort heureusement, nous dit Valérie Niquet dans son ouvrage : Taïwan face à la Chine, la frontière entre les deux pays représente plus de cent kilomètres de mer. Voilà qui jusqu’à présent a protégé David face à Goliath. Toutefois, pour combien de temps encore ?
En effet, depuis son avènement, la République Populaire de Chine n’a cessé de revendiquer l’île, anciennement Formose, comme une province à part entière de l’empire des Ming. Sous Mao, la RPC est trop faible pour s’en prendre à Taïwan et ainsi aux États-Unis. Elle a plutôt cherché à soumettre la réfractaire de façon pacifique. Entre les deux rives du détroit, le commerce allait bon train. Et on pouvait penser que l’intégration de Taïwan s’en trouverait facilité. C’était sans compter sur les revendications d’indépendance de la petite île. Depuis plusieurs décennies, elle essaie à s’émanciper de la tutelle de sa grande sœur. Sans toutefois franchir le Rubicon, car la RPC veille au grain.
Avec l’avènement de Xi Jinping, en 2012, la donne a changé du tout au tout. Comme avec Hong Kong, il n’est plus question de la doctrine « un pays, deux systèmes ». Celle-ci ayant fait long feu dans l’ancienne colonie britannique. Le parti communiste chinois compte, pour le centenaire de l’avènement de la RPC, sur l’absolue intégrité territoriale chinoise. Ce qui implique en clair que le PCC veut récupérer sa province rebelle, quitte à lui faire la guerre. D’autant que l’aventure russe en Ukraine profite aux stratèges chinois pour mettre sur pied une invasion dans les années à venir.
Face à l’immense puissance de la RPC, Taïwan a des atouts à faire valoir pour la contrer. Sans même compter sur l’aide américaine. Aussi, l’aventure d’une invasion chinoise est hautement risquée à la vue du demi-échec russe. Pour l’instant, elle reste des plus limitées. D’autant qu’en cas d’échec, si la RPC n’implose pas, c’est le PCC qui risque de ne pas s’en relever, nous dit encore l’autrice.
L’ouvrage est extrêmement didactique et fort bien documenté sur les deux protagonistes. Aussi bien d’un point de vue historique que culturel, il permet au lecteur de parfaitement comprendre les tenants et aboutissants d’une situation de plus en pus tendue. Surtout, il démontre avec acuité les enjeux géostratégiques d’une éventuelle confrontation régionale. Et, au cas où elle dure, la possibilité d’une conflagration mondiale s’avère très probable dans l’éventualité d’une intervention des États-Unis. Gageons qu’à l’aune du risque nucléaire, les protagonistes sauront retenir la leçon des fusées de Cuba.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Taïwan face à la Chine, Valérie Niquet, 240 pages, 19,90 €, éd. Tallandier.