Asiexposé l’an dernier dans le cadre de notre festival sous le titre Mise à nu (My right to ravage myself), c’est sous le nom tout aussi explicite, mais légèrement moins pertinent, de Suicide Designer que le film de Jeon Soo-il paraît finalement en dvd dans nos contrées. Adapté d’une nouvelle de l’écrivain Kim Young-ha, ce film est certainement peu conventionnel, dans son propos plutôt que par sa forme. En effet, Suicide designer nous présente un personnage mystérieux, S, qui cumule les carrières d’écrivain et de conseiller en suicide. Apaisé, attentif, S semble chercher à saisir l’essence même de ce qui fait la vie et l’individualité, et comme un ange funeste bouddhique, envisage le suicide comme une voie possible vers la délivrance.
Tissé autour de ce personnage étrange, le film déroule trois saynètes entremêlées, trois personnages faisant appel aux services de M. S : Seyon, fausse innocente un peu gamine, résignée et n’attendant plus grand chose de l’existence ; Mara, artiste habitée confrontée aux limites de son art ; et Kurt, adolescent rebelle hanté par l’idée du suicide, par mimétisme avec son idole grunge. S. les écoute tous les trois et intervient peu : quel que soit le destin de ses clients, il est abordé avec sérénité…
Sujet glissant donc, rendu plus troublant encore par l’absence de jugement moral, presque de point de vue.
Une entreprise intéressante qui malheureusement ne tient pas toutes ses promesses. La distance maintenue par rapport au thème du film laisse plus une impression de superficialité que de pudeur, les personnages sont des caricatures, dont même les acteurs semblent peiner à extraire un peu de subtilité et les audaces visuelles se font rares et manquent singulièrement de personnalité. Au final, en voulant évoquer le caractère illusoire de l’existence, Jeon Soo-il livre un film quelque peu dénué de substance…
Reste une curiosité, un ovni cinématographique qui souligne à quel point la production coréenne contemporaine échappe encore à tout formatage.
Éditeur : One Plus One
Pays : Divers