STOKER de Park Chan-wook

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A la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, assiste au retour de son oncle, un homme mystérieux dont elle ignorait l’existence, et qui s’installe avec elle et sa mère. India commence à soupçonner que les motivations de cet homme charmeur ne sont pas sans arrière-pensées et ne tarde pas à ressentir pour lui des sentiments mêlés de méfiance et d’attirance.

CHASSEUR ET PROIES.

Stoker. Nom de famille de l’auteur de DRACULA écrit en 1897 par l’immense Bram Stoker.
La référence est là, littéraire et culte. Mais, après la vision du nouveau film de Park Chan-wook, la référence reste lointaine dans une possible « loyauté » littéraire. La référence en fait, elle éclate en quatre personnages qui forment la famille Stoker.

Dans ce film. il n’est pas question de vampire(s) comme dans le chef d’œuvre littéraire de Bram Stoker mais d’une famille “contaminée” par le déséquilibre mental de l’un des membres. Finalement, une contamination héréditaire, une folie meurtrière extrême dans laquelle le cinéaste va se retrouver entièrement dans sa forme cinématographique. Famille, je vous hais. Mais dans ce capharnaüm familial névrotique, tout le monde déteste tout le monde. Père, frère, oncle, tante, nièce, mari et femme. Chacun ou chacune est une proie pour l’autre.

Les trois extrêmes : contamination, folie, meurtre. Le parcours étant tracé, le décor planté, on peut faire confiance à l’un des plus grands cinéastes sud-coréens pour nous emmener jusqu’au bout de ce chemin plus que tourmenté. Néanmoins, une certaine méfiance cinéphilique s’était créée au fil des années vis-à-vis du réalisateur. Depuis son merveilleux dernier opus THIRST présenté à Cannes en 2009, pourquoi attendre autant d’années avant de réaliser STOKER. Sans doute des difficultés de financements de son pays, La Corée du sud, l’extradition vers les Etats-Unis d’Amérique et de nouvelles relations terriblement professionnelles. L’envie de tourner avec l’une des plus grandes stars du cinéma Nicole Kidman, et du coup l’attente de sa disponibilité. Etc, etc, etc….

Park Chan-wook rejoint, par ce long parcours, son acolyte asiatique Maître Wong Kar-wai (THE GRAND MASTER) Mais la différence, à mes yeux, c’est que Park Chan-wook conforte son intégrité et sa virtuosité cinématographique là où Wong Kar-wai s’embourbe dans un scénario inexistant.
Bien que produit par les américains Scott, le défunt Tony et son frère Ridley, STOKER reste en profondeur un film asiatique. Park Chan-wook a gardé son fidèle chef-opérateur Chung Hoon-chung avec qui il travaille depuis 20 ans. Magnifique travail sur les couleurs, les costumes, les tissus, les matières mises en valeur avec une grande finesse. On sent la collaboration entre les deux techniciens. Neuf films en 20 ans, c’est peu mais l’œuvre reste toujours intégre. Et, cerise sur le gâteau, le solide apport du travail artistique de Thérèse DePrez, chef-décoratrice du sur-estimé BLACK SWAN.

Et puis il y a le désir du cinéma. Parfois, on sent les influences comme des petits frissons (Hitchcock, Lynch) Le réalisateur a toujours revendiqué son amour et son immense respect pour ces cinéastes. Ce désir qui souvent passe par le regard, la mise en scène du regard et quand on choisit celui de Nicole Kidman et qu’on arrive à le mettre en scène aussi magnifiquement dans sa non-sympathie et profonde répulsion, alors on a tout réussi. Ce regard qui fait si peur. Sympathie for Lady Vengeance ! On y revient toujours. Et ici à travers India Stoker, très brillamment interprétée par l’actrice « caméléon » Mia Wasikowska. Avec ce personnage, on est bien loin d’Alice au pays des merveilles et il faut saluer le beau et très sérieux travail de comédienne de Mia Wasikowska (RESTLESS, DES HOMMES SANS LOI) et qui confirme un registre singulier et plus que prometteur dans le cinéma américain.

Acteurs : Nicole Kidman, Mia Wasikowska, Matthew Goode

Éditeur : Twentieth Century Fox

Pays : Corée du Sud/USA

Guy Malugani

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