par Thierry Voissat, responsable cinéma du festival “Nocturnes Indiens / Etoiles & Toiles d’Asie” (prochaine édition à Lyon en novembre 99)
Se faufilant entre les “portables” en smoking, et les badauds en jeans, notre “Asiespion” a visionné pour vous quelques films qu’on “nem”, et d’autres méritant des coups de “baguettes” critiques !!! :
L’EMPEREUR ET L’ASSASSIN de Chen Kaige, Chine, 2h50, avec Gong Li, Z. Fengyi et Li Xuejian.
Palme d’Or en 1993, avec “Adieu ma concubine” et dont le “Temptress Moon” présenté à Cannes en 96, reste toujours inédit, Chen Kaige s’est attaqué cette fois à l’Histoire de la Chine.
Nous sommes au IIIe siècle avant J-C, Ying Zheng est obsédé par l’idée de réunir les sept royaumes de Chine en un seul, dont il prendrait la tête, devenant ainsi le premier empereur chinois. Il promet à Zhao (Gong Li) son amour d’enfance, de l’accomplir sans violence, ni tuerie. Elle lui propose alors de fomenter un faux complot contre lui. Il suffirait de démasquer l’assassin pour établir sa légitimité et ainsi rallier les autres royaumes à sa cause.
Même si l’intrigue paraît parfois confuse en raison du nombre important de personnages, C. Kaige nous transporte tout au long de son histoire dans une fresque monumentale et sublime, avec des reconstitutions de scènes de bataille dignes de “Ran” ou “Kagemusha”, et des moments plus intimistes, baignés dans une lumière exceptionnelle, et la musique de Zhao Jjping.
Je n’ai malheureusement pas vu le “Kitano”, dont les échos semblent bons, mais “L’Empereur et l’Assassin” restera ma “Palme” asiatique !
LOVE WILL TEAR US APART de Yu Lik Wai, Hong Kong, 1h19 avec Tony Leung et Lu Li Ping. Produit par Stanley Kwan.
Un premier film plein de maîtrise qui exprime un peu à la manière de Tsai Ming Liang, le mal de vivre dans les mégalopoles asiatiques. La détresse de trois personnages joués notamment par Tony Leung (“L’Amant”) et Lu Li Ping (“Le Cerf Volant Bleu”), dans un Hong Kong impitoyable et semblant loin de toute nostalgie chinoise ! Le réalisateur explique : “C’est un film sur le bonheur, ou pour être plus précis, sur notre incapacité à le vivre, génération après génération : la notion de “petit bonheur et prospérité” procurait au peuple chinois une forme d’évasion. Dans le contexte d’un clivage social croissant, nous avons affaire à une faillite des critères du bonheur lui-même. Les gens deviennent pétrifiés et négligeants”. A découvrir en salles cet automne.
GHOST DOG, A WAY OF A SAMURAI de Jim Jarmush, USA, 1h51 avec Forest Whitaker.
Un titre intrigant nous permet de parler de ce film “coup de coeur” de Jarmush.
Un tueur à gages “Ghost Dog” (F. Whitaker toujours épatant) “exécute” ses contrats commandités par un gang de mafieux New Yorkais. Jusqu’ici rien de bien nouveau, mais ce marginal vit dans une cabane sur un toit de building, en lisant “Rashomon” et les maîtres samouraïs du moyen-âge japonais, ou en maniant le sabre au milieu de ses pigeons !!
Seul un Jarmush au sommet de son art, rend crédible l’opposition de ces deux mondes en démystifiant ces italo-américains sublimés auparavant par Scorsese, De Palma ou Coppola.
Un pur régal qui plaira à tous les amoureux de cinéma (asiatique et autres !).
LA ROUTE DE PETITS VOYOUS (Bootleg film) de M. Kobayashi, Japon, 1h14 avec Akira Emoto et Kippei Shinai.
Second film de Kobayashi (rien à voir avec le réalisateur de “Kwaidan”), “Bootleg film” est un sympathique road movie, qui nous relate la chevauchée automobile sur une route japonaise, d’un yakusa “loser” et d’un flic “ripou”, trimbalant un cadavre dans leur coffre !
Rencontres épiques et final à rebondissements égrène ce film, frôlant par moment le tragi-comique, voire le burlesque, et empreint de références cinématographiques (Fargo, Reservoir Dogs, Lune de Fiel). Intéressant.
VANAPRASHTAM (La Dernière Danse) de Shaji N. Karun, Inde, 1h45 avec Mohanlal et Suhasini.
Réalisé par S.N. Karun (“Destinée”), ce film relate la vie d’un artiste de Kathakali : forme de théâtre raffinée propre au Kerala (Etat du sud-ouest de l’Inde), qui allie théâtre, danse, mime et arts du costume et du maquillage. Ce magnifique mélodrame rejoint la profondeur émotionnel d’un Satyajit Ray, tout en y apportant l’esthétisme grâce aux techniques actuelles : la musique de Zakir Hussain collant superbement aux couleurs somptueuses des images. Enfin, un nouveau grand film indien.
PERSONNALS (Petites Annonces) de Chen Kuo Fu, Taiwan, 1h44 avec René Liu.
Une jolie opticienne taiwanaise recherche l’âme soeur par petites annonces, lasse de sa solitude. Le sujet semblait alléchant, mais la pauvre René Liu (admirable dans “Murmur of Youth” de Lin Cheng Sheng) se débat devant un défilé de tout ce qu’un être humain peut comporter de ridicule et parodique, dans ce genre de contacts matrimoniaux, le tout filmé en caméra fixe ! On comprendra bien vite, l’inutilité du traitement, et du film par lui-même !
CHARISMA de Kiyoshi Kurosawa, Japon, 1h45 avec K. Yakusho.
Film attendu mais décevant (rien à voir avec le grand Akira). Le dossier de presse expose : “au fond du bois s’élève un arbre étrange : est-il juste de l’abattre ? ou juste de le garder ? Des gens qui reposent autour de cet arbre ; sans but vient un homme au milieu de ce conflit. D’abord on appelle l’arbre Charisme, ensuite on appelle l’homme Charisme” ??? On attends vainement que l’arbre s’exprime et se déplace !!! Ennui total.
SCENERY (Vues) de Zhao Jisong, Chine, 1h40.
Film faisant malheureusement partie de la part du Cinéma Chinois prétentieux, où le silence domine le vide (ou l’inverse).
PHORPA (La Coupe) de Khyentse Norbu, Tibet, 1h33.
La Coupe du Monde de Foot 98 vue d’un monastère tibétain exilé en Inde. Ce film concourant pour le Bhoutan, pour ne pas “blesser” la Chine, restera le petit “bol d’air” comique du cinéma asiatique pendant le Festival. Même si l’on ne criera pas au chef d’oeuvre, les tribulations du petit Orgyun, excellemment interprété par J. Lodro, mi-Tintin mi Chang, prêt à toutes les facéties pour louer une télé et assister à la finale de la Coupe du Monde, sont exposées avec la plus délicieuse cocasserie, et nous surprennent par la vision intérieure d’un monastère tibétain. Beaucoup de scènes drôles : le maillot de corps jaune d’Orgyun laissant déteindre “Ronaldo” et son numéro “9” sous une douche improvisée. Une vraie curiosité.
CONCLUSION : 3 films asiatiques ont été primés :
L’Empereur & l’Assassin (Chen. Kaige – Chine) : Prix de la Commission Supérieure Technique
Marana Simhasalan (Murali Nair – Inde) : Caméra d’Or du 1er film
So Poong (Song Ligon – Corée) : Prix du Jury du Court Métrage
Pays : Divers