Au début des années 70, les universités japonaises sont en ébullition. Les étudiants gauchistes veulent soulever le Peuple contre les diverses autorités impérialistes (l’État japonais ou les bases américaines sur leur sol). En plein boom économique, les masses restent, cependant, soumises à leur exploitation. Alors une poignée de jeunes étudiants se regroupe dans diverses organisations terroristes pour organiser la lutte armée. Très vite elles sont éradiquées. Le rapport de force est en leur défaveur. Sans parler des dissensions internes qui gangrènent leur cohésion. Seuls quelques individus en réchappent. Pour eux, la fuite à l’étranger constitue l’unique planche de salut.
C’est ainsi qu’une poignée de Japonais se retrouve à lutter dans les camps palestiniens du FPLP. Cependant, la nature de leur combat a profondément changé. En effet, l’idéal mondialiste de leurs débuts va se métamorphoser en lutte armée contre le sionisme d’Israël sous l’influence du groupuscule arabe.
Dans ce roman éminemment historique et politique de Michaël Prazan, nous suivons Yazu tout au long de son parcours chaotique sur plus de 40 ans. De sa prise de conscience politique de jeunesse à sa fuite miraculeuse. Jusqu’au retour anonyme parmi ses compatriotes. Là il se fond dans la masse grâce à un mariage qui lui restitue sa place de salaryman. Mais peut-on échapper si facilement à un passé aussi encombrant ?
On l’aura compris, ce texte est un témoignage fort sur une courte période aussi trouble qu’intense et peu connue du grand public. D’ailleurs, l’auteur, en fin d’ouvrage, nous certifie que tous les évènements qu’il relate sont véridiques. C’est donc avec une parfaite connaissance des enchaînements complexes qu’il nous plonge dans les affres d’une révolution dont personne ne voulait. Sauf quelques chevaliers blancs dont la naïveté aveugle les conduira à se comporter comme des psychopathes en toute bonne conscience.
L’auteur démontre avec une grande maîtrise les mécanismes de manipulation et de perversité en jeu. Par son écriture précise et sans concessions, il nous fait comprendre, sans jamais la justifier, la démarche inexorable de ces individus à la recherche d’une raison d’exister. La narration éclatée sur différentes époques rend la lecture fluide et ménage un suspense proche du roman policier.
Un excellent livre donc !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Souvenirs du rivage des morts de Michaël Prazan, 368 p., 20€, éd. Rivages. En librairie le 8 septembre.