REINE D’EGYPTE (Aoi Horus no Hitomi) volume 1 de Chie INUDOH

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Dans la mouvance de ses récits historiques initiée par le best-seller Bride Stories, l’éditeur Ki-oon nous présente Reine d’Égypte, et ce avec une promotion pharaonique : invitation de la mangaka Chie Inudo au Livre Paris 2017, bol et plateaux à l’effigie de la série, sans oublier une couverture publicitaire conséquente. En outre, Reine d’Égypte signe le lancement du label Kizuna, collection destinée à rassembler les lecteurs de toutes générations. Mais le titre mérite-t-il un tel couronnement ?

Comme son nom le suggère, nous découvrons ici la vie de Hatchepsout (ou plus simplement Chepsout) et sa destinée qui l’amènera à devenir la première grande reine de l’Histoire, au 15ème siècle avant notre ère. Le récit débute au jour de son mariage avec son demi-frère Séthi, qui deviendra par ce biais le futur pharaon Thoutmosis II, quatrième pharaon de la 18ème dynastie de l’Égypte antique. Les traditions veulent que l’héritage royal passe par la fille aînée, qui couronne le nouveau pharaon en même temps qu’elle se marie. Cependant, Chepsout est une jeune femme rebelle, qui a toujours maudit le fait de ne pas être née homme. Après une adolescence difficile, la demoiselle est finalement revenue dans le droit chemin… mais ne s’agit-il par d’une couverture pour renverser le pouvoir au moment voulu ?

Très rapidement, le récit nous fait découvrir la jeunesse de la future reine, de son opposition aux carcans royaux et à son futur mari, jusqu’à la perte de sa mère, son renfort contre l’adversité. Par la suite, la demoiselle apprend à user de ses atouts féminins pour donner le change et manipuler son monde. De fait, on devine très vite que son mariage ne sera qu’une façade et que son combat continuera dans l’intimité. Chie Inudoh nous présente une reine libérée et indépendante, dans un profond élan féministe, sans tomber dans le piège d’une victimisation à outrance. De même, il aurait été facile de faire naître un rapprochement amoureux entre Chepsout et le prêtre apparaissant en fin de volume, mais la mangaka semble (pour l’instant) éviter cet écueil. On regrettera que quelques scènes de sexe ou de nudité viennent dénaturer cette ambiance, mais on les mettra au crédit du contexte historique. En revanche, il n’était peut-être pas nécessaire de faire de Séthi une caricature de mâle alpha primaire, viriliste abruti.

Prépublié au Japon dans le même magazine que Bride Stories, Reine d’Égypte s’approche très explicitement de ce dernier au niveau du dessin. Le trait de Chie Inudoh est très appuyé et contrasté, avec des physiques réalistes mais expressifs. On note aussi une certaine recherche dans les tenues, maquillages et décors, pour renforcer l’aspect immersif de l’œuvre. Toutefois, le cadre n’est qu’assez peu sublimé, la narration préférant rester la plupart du temps à hauteur d’homme. On sent tout de même une volonté initiatique par l’incursion de rites ou de jeux de l’époque, ainsi qu’un petit guide en guise de postface.

Moins contemplatif qu’un Bride Stories, Reine d’Égypte n’en reste pas moins un récit très divertissant, qui délivre son message honnêtement, au prix de quelques aspects caricaturaux. Chepsout n’en reste pas moins une héroïne très attachante et très active, et les jeux politiques à venir s’annoncent déjà délectables. De fait, le titre remplit très bien son office de vulgarisation et devrait se faire une jolie place dans les bibliothèques.

Alain Broutta

REINE D’EGYPTE (Aoi Horus no Hitomi) volume 1 de Chie INUDOH (2014)

Historique, Japon, Ki-oon – Kizuna, mars 2017, 200 pages, livre broché 7,90€

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