Docteure en philosophie des sciences et chercheuse en politiques environnementales, Vandana Shiva est surtout connue pour être la cheffe de file d’une révolution écologique mondiale et du mouvement altermondialiste. Elle a reçu le prix Nobel alternatif en 1993 « pour avoir placé les femmes et l’écologie au cœur du discours sur le développement moderne ».
Dans Qui nourrit réellement l’humanité ?, cette icône propose, en moins de 200 pages, une synthèse de 30 ans des recherches et des actions qu’elle mène en faveur de cette transition mondiale.
Avec une grande clarté, elle explique que « l’alimentation et l’agriculture sont devenues des terrains d’affrontement idéologique. Deux paradigmes entrent en conflit, chacun promouvant un certain type de savoir, un certain modèle économique et culturel, et bien sûr une certaine forme d’agriculture. Tous deux prétendent nourrir les habitants de la planète, mais seul l’un d’eux est dans le vrai. » écrit-elle en introduction. Et elle le prouve en démontant pièce à pièce la logique de chacun.
Le 1er paradigme est celui de la pensée industrielle et mécanisée qui utilise les produits agrochimiques qui nuisent à la santé des populations et à l’environnement. C’est lui qui façonne les perceptions dominantes autour du savoir, de la science et des politiques relatives à l’alimentation et à l’agriculture. Et c’est cette agriculture intensive qui met à mal la « fragile toile du vivant » et l’environnement. En engloutissant par exemple 70 % des ressources hydriques pour son irrigation intensive. En perturbant le climat. Vandana Shiva parle d’une « guerre chimique contre la planète » et dit clairement : ces « entreprises ne cultivent pas des aliments mais des bénéfices » ! et « oublier l’écologie de la nourriture nous conduira droit à la famine et à l’extinction. » Les mots sont forts, les accusations établies et prouvées. Ils doivent être entendus !
Le second paradigme est soucieux d’assurer la continuité. Il est en harmonie avec la nature, gouverné par la « loi de la réciprocité selon laquelle tous les êtres vivants prennent autant qu’ils donnent ». Il est représenté par l’agroécologie. C’est elle qui nous nourrit. Tout comme le sol, les pollinisateurs, la diversité de la nature, les semences, les petits paysans, les exploitations familiales. Ou encore les jardiniers, la localisation et les femmes. C’est sur eux surtout que porte l’ouvrage. Et c’est en cela qu’il peut servir de guide, “la voie à suivre” (1) vers une transition éclairée.
Et l’autrice sait de quoi elle parle ! C’est forte non seulement de ses études mais surtout de ses propres actions : elle a fondé, en 1991, l’association Navdanya pour la conservation de la biodiversité. Elle est à la tête d’un réseau de 120 banques de graines. Elle parcourt la planète contre les multinationales (on ne compte plus ses procès gagnés contre elles) et pour un système agroécologique qui préserve le vivant.
Un livre qui donne les solutions ! A mettre entre toutes les mains pour que le fameux « monde d’après » dont on nous rebat les oreilles soit réellement différent !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) C’est le titre du dernier chapitre du livre.
Qui nourrit réellement l’humanité ?, Vandana Shiva, traduit de l’anglais (Inde) par Amanda Prat-Giral, 192 p., 19€, collection Domaine du possible, éd. Actes Sud. En librairie le 3 juin 2020.