– La vie devient difficile pour les jeunes diplômés, me dit Li Yu, ma fille n’a toujours pas trouvé un emploi de son niveau et elle vient d’avoir vingt-huit ans.
Je comprends son inquiétude, cette année cinq millions d’étudiants chinois sortant de l’université vont envahir le marché du travail.
– Vingt-huit ans ! Elle a l’âge de mon fils, mon troisième et dernier enfant.
– Pour moi aussi, c’est mon dernier enfant… et mon premier. Quelle chance vous avez, vous les Françaises, d’avoir les enfants que vous souhaitez.
Et Li Yu de me raconter sa joie quand elle attendait cet enfant en 1979, l’année de la mise en application de la politique de l’enfant unique, et sa déception, partagées avec son mari quand ils ont compris qu’il leur fallait abandonner pour toujours l’espoir d’une deuxième naissance.
Pendant les vacances du Nouvel An chinois, au cours d’une soirée de bavardages entre femmes, une enseignante parle :
– Une de mes collègues est mariée avec un Allemand, ils ont deux enfants, est-ce que vous savez que le gouvernement allemand leur verse de l’argent tous les mois pour leur éducation ?
– Oui, ce sont des allocations familiales. En France aussi une somme est donnée tous les mois à partir du deuxième enfant. C’est une toute petite aide qui change peu avec le temps, ma fille qui y a droit touche le même montant que moi il y a trente ans.
– Combien ?
– Cent euros. Et là, je blêmis…. Que je suis maladroite ! ou arrogante ! inconsciemment, j’ai mis en évidence un des avantages précieux dans notre pays : la protection sociale que les Chinois nous envient tant. Dans le même temps, je fais perdre inutilement la face à mes amies. Cent euros : c’est bien plus que le salaire mensuel de l’une d’elles. Le souffle me manque, elles s’en aperçoivent et nous finissons par rire de bon coeur.
Avant de prendre l’avion du retour, j’ai rendez-vous au restaurant avec quelques étudiants, parmi eux un jeune couple qui attend “son” enfant très désiré. La jeune femme a failli manquer notre rendez-vous, la veille encore elle était hospitalisée pour une surveillance de sa grossesse. Je lui demande donc des nouvelles, qui sont bonnes, et si l’échographie de ce quatrième mois a révélé le sexe de l’enfant.
– Oh ! Maguy, nous sommes des Chinois modernes, nous voulons un enfant pour nous, notre famille, notre pays. Garçon ou fille, peu importe ! Nous souhaitons qu’il ait une bonne santé, cela sera notre bonheur. D’ailleurs, le Gouvernement interdit aux médecins de dévoiler le sexe, de lourdes amendes peuvent sanctionner ceux qui le font.
Encore une campagne officielle ?
Ces filles et leurs mères qui sont mes amies ont été mes meilleurs soutiens en Chine. Elles participent largement à l’essor de leurs pays tout en maintenant, le plus possible, les traditions familiales. En faisant la pluche des légumes du jour, en buvant le thé avec elles, dans leurs cuisines, elles parlent spontanément des progrès dont elles profitent, mais lucides et généreuses, elles souffrent du fossé qui se creuse entre riches et pauvres, des paysans abandonnés dans leur misère. Elles sont drôles car elles aiment la danse, la musique, chanter les airs de leur Opéra local dans des vocalises impossibles pour nos voix occidentales.
Plus sérieuses et responsables que les hommes quelque peu rieurs et moqueurs, on peut toujours avoir confiance en elles.
Août 2007
Pays : Chine