Peintures érotiques de Chine

Chroniques tous | culture | défaut

“[Sa] taille [légère comme] le saule ondule délicatement. Le cœur de la fleur s’ouvre doucement : la rosée humecte la pivoine qui s’épanouit.” (Histoire du Pavillon de l’Ouest)
Cette métaphore (très) érotique montre à quel point la poésie chinoise a toujours été en adéquation avec la nature. Et la peinture aussi, comme le prouve l’excellente exposition du Musée Cernuschi. Que vous ayez des tendances voyeuristes ou que vous soyez simplement amateur de peinture chinoise, cette exposition vous surprendra et vous ravira. A travers cinq thématiques, le visiteur est initié aux “images des jeux secrets”.

De la littérature à la peinture érotique :
Tels les papillons parant leurs ailes de mille couleurs, les auteurs chinois du 16e siècle décidèrent de faire illustrer les pages de leurs romans. Dès la fin de la dynastie Ming (1644], les images de “loisirs printaniers” apparurent en respectant les codes et savoir-faire de la peinture de personnages. Au début, c’est le texte qui prime, puis la peinture érotique prend peu à peu son autonomie. Au point qu’une peinture représentant les étreintes de deux hommes peut accompagner un poème décrivant une femme et la fragilité de l’amour. Le lien entre les images et le texte est alors volontairement atténué afin de laisser une plus grande liberté à l’imagination.

Une production artistique traditionnelle :
Les auteurs de ces peintures sont au départ des groupes d’élèves apprenant à créer des images érotiques sous la tutelle d’un maître, en copiant des chefs-d’œuvre. Les peintures sont rarement signées pour ne pas compromettre la réputation de l’artiste. Mais il arrive que le nom d’un défunt maître soit usurpé pour augmenter le prestige et le prix de son oeuvre.

L’espace érotique dans les peintures :
Se donner rendez-vous sous des fleurs de pêcher, vagabonder dans l’allée des saules aux maisons fleuries (quartier de maisons closes)… Les éléments naturels, métaphores de l’érotisme et de la fécondité, sont omniprésents dans les images érotiques. Le plus remarquable est que l’espace érotique est souvent semi-privé : les rideaux, fenêtres ou portes sont ouverts. Cela permet à une servante cachée derrière un paravent d’espionner les ébats, tout comme le visiteur scrutant le tableau. La position de voyeur procure alors un plaisir d’autant plus précieux qu’il est dérobé à l’insu des amants.

Le corps érotisé
Dans quelques positions qu’il soit, le corps est érotisé. La primauté est donnée aux lignes, aux courbes, et non pas aux volumes. Ce qui peut surprendre, car on a parfois l’impression d’observer des personnes dépourvues de colonne vertébrale ! Le corps n’est pas forcément nu. Les étoffes transparentes et les vêtements ouverts laissent entrevoir un sexe, la courbe d’un sein… On suggère plus qu’on ne montre, toujours pour laisser plus de liberté à nos imaginations en ébullition.

L’envers du désir, culture matérielle et réalité sociales
Les sujets des peintures érotiques ne sont pas prédéterminés : les positions varient, tout comme le nombre d’acteurs. Tantôt amusantes ou romantiques, les positions impliquent parfois plus de deux acteurs : par exemple ce couple impérial soutenu dans ses ébats par un serviteur et une servante. Il est aussi possible que les peintures représentent deux amants masculins, par exemple un maître et son serviteur. Ce dernier se différenciera par sa petite taille et des traits plutôt féminins, à une époque où les acteurs se travestissent ouvertement. Ces images d’amour homosexuel sont considérées négativement lorsque l’homme est marié. Selon les us de l’époque, le malheureux doit préférer sa première épouse ou la mère de ses enfants aux autres concubines et serviteurs. Le poids de la hiérarchie sociale se répercute donc jusque dans la peinture érotique.

Exposées dans des salles sombres pour recréer une atmosphère d’intimité, les images de jeux secrets mettent en scène des instants de plaisir que nous avons la chance de surprendre. Munissez-vous de votre imagination et de toute votre fougue amoureuse afin de mettre en application ce que vous retiendrez de cette visite instructive et passionnante.

A noter :
La collection permanente est, elle aussi, très riche. A l’étage du musée rénové depuis l’été 2005, on peut se plonger dans l’histoire de l’Asie ancienne avec notamment de magnifiques vases, et une statue de Bouddha très impressionnante. Fait appréciable : la collection permanente est accessible gratuitement !

Musée Cernuschi, musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris
7 avenue Vélasquez
75008 Paris
Tél : 01 53 96 21 50,
Fax : 01 53 96 21 96
Ouvert tous les jours sauf lundi et certains jours fériés de 10h à 18h
Entrée libre et gratuite dans les collections permanentes
Exposition peintures érotiques de Chine : du 3 février au 7 mai 2006

Accès
Métro : Monceau, Villiers & Bus : 30 et 94

Pays : Chine

Évènements à venir