La vie arrachée (aka Sheng Si Jie)

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de Li Shaohong, 90 minutes, 2005, avec : Zhou Xun, Wu Jun, Cai Ming, Su Xiaoming, Wang Pelyi.

Premier coup de cœur du festival du film chinois de Paris, La vie arrachée est un film de la réalisatrice Li Shaohong, prix 2005 du Meilleur Film au festival Tribeca de New-York (cofondé par Robert de Niro en 2002).
Le titre français du film laisse justement présager une histoire dramatique individuelle, celle de Yanni, jeune chinoise heureuse de commencer une nouvelle vie à l’université. Elle pense en premier lieu s’affranchir de la vie pesante de chez sa tante et sa grand-mère. Les relations avec ses parents sont chaotiques : rarement présents, ils suivent de loin et surtout financièrement la vie de leur fille. Yanni est donc remplie d’espoir lorsqu’elle quitte ses proches. Pourtant sa voix off nous avertit que ce départ sonne aussi le début d’un cauchemar. Le hasard lui fait connaître et aimer Muyu, un chauffeur de livraison qu’elle croira être son compagnon d’infortune pour toujours. La suite de l’histoire lui fera cruellement affronter le contraire.
Les premières images du film nous laisse penser que l’on va enfin saisir un peu de cette réalité chinoise manifestement mal connue et incomprise par le monde occidental. Le format numérique et la DV induisent cette impression. Effectivement le film est très réaliste mais petit à petit, nous sommes concentrés sur l’héroïne et narratrice, Yanni, sa psychologie et sa situation particulière. Elle est servie par l’incroyable actrice Zhou Xun qui n’avait visiblement pas donné toutes ses ressources dans le film de Peter Chan, Perhaps love, lui aussi de 2005. Zhou Xun et son visage angélique accentuent par contraste la cruauté de la vie de Yanni pour laquelle on éprouve beaucoup d’empathie. Il est rare de sentir un personnage aussi vivant : à cet égard, la dernière scène du film coupe véritablement le souffle.

Le public féminin sera certainement davantage touché que le public masculin, par phénomène d’identification. La sensibilité insufflée par la réalisatrice met en valeur Yanni et ses aspirations. Pourtant il ne faut pas y voir un film féministe (la mise en avant d’un combat de femme ou de la condition de la femme) et encore moins un mélo tellement la prestation de Zhou Xun donne une aura particulière au personnage. De plus, Li Shaohong ne manque pas d’introduire des facteurs sociaux et culturels, rendant ainsi le film encore plus captivant : les relations parents-enfants, le rôle des institutions comme l’université, les relations entre individus au sein de la ville…
Le film de Li Shaohong est très noir mais aussi plein d’audaces et de créativité artistiques. Les thèmes développés nous sont familiers, tout comme la bande son essentiellement composée de musique électronique. Enfin, alors que l’on aurait pu s’attendre à des scènes violentes qui traduiraient l’état intérieur de Yanni, le film est davantage contemplatif et calme.

mars 2006

Pays : Chine

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