Oliphant de Loo Hui Phang et Benjamin Bachelier sort chez Futuropolis.

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Ce copieux album de bande dessinée s’inspire de l’expédition que fit, en 1914, le célèbre explorateur britannique Ernest Shackleton. Il voulait faire la traversée de l’Antarctique de la mer de Weddell à la mer de Ross.

L’ Endurance devient le Golden Age et le capitaine Oliphant prend la place de Shackleton. Comme son modèle, il recherche la difficulté et l’exploit. Après l’expédition Nimrod qui a fait de lui un héros, il pourrait se la couler douce dans les mers du sud, mais elles « sont encombrées de milliardaires en yachts, il n’y a pas plus tranquille que l’Antarctique » dit-il avec un humour placide.

Mais le Golden Age se retrouve bientôt emprisonné dans les glaces et les 28 hommes de l’expédition polaire se retrouvent sur la banquise. En effet, l’équipage doit quitter le navire qui a fait naufrage en pleine mer de Weddell. L’aventure tourne au cauchemar. Qu’à cela ne tienne, il y a des vivres pour plusieurs mois. « Il faudra attendre septembre pour le dégel » dit Oliphant philosophe. Il vient tout juste de fêter Noël. C’est ensuite le voyage d’une partie des hommes vers l’île de l’éléphant. les vivres s’amenuisent. Il faut lutter contre le froid, la souffrance du corps, l’ennui. Mais à chaque nouvelle épreuve le capitaine l’affronte et trouve une solution.

Loo Hui Phang crée un récit de voyage multiple. Elle aborde et explique, à chaque début de chapitre, un phénomène physique pointu de façon très scientifique. Il lui donne d’ailleurs son titre et est intégré à l’histoire. La circulation thermohaline, la force de Coriolis ou le vortex polaire participent ainsi à l’expédition. Mais le voyage est aussi mental.

En effet, Oliphant emmène à son bord son fils adoptif Arkadi, d’une vingtaine d’années. Il est malade en mer et l’on reconstruit peu à peu son histoire personnelle. Il apporte au récit des visions étranges et vertigineuses de par sa sensibilité hors normes.

Le dessin de Benjamin Bachelier s’adapte étrangement à l’allure protéiforme du récit. Il prend en effet différents styles du dessin à la peinture avec une grande liberté graphique et un minimalisme étonnant. Toutes les nuances de blancs côtoient les couleurs froides. Seul le rouge semble émerger de cet univers de glace et de nuit. De nombreuses images mentales, sensations, femmes, éléphant, parcourent aussi l’album.

Et l’on devient familier de cet équipage cosmopolite et hétéroclite. À l’instar de Snark, l’homme à tout faire d’Oliphant. Il parle un sabir qui mélange toutes les langues, tous les univers !

L’album nous embarque ainsi littéralement, avec ces hommes, vers ces espaces encore inexplorés.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Oliphant, récit de Loo Hui Phang et dessin de Benjamin Bachelier, 256 pages, 33€, éd. Futuropolis. En librairie le 8 mars 2023.

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