Ce roman graphique est l’adaptation d’un classique : Mountain Wind and Ocean Rain, l’autobiographie de Yang Mu, grand poète taïwanais. Né en 1940 à Hualien, à l’est de Taïwan, Oken était son surnom, enfant.
À cette époque, Taïwan est une colonie japonaise où tout le monde parle japonais. Hualien est bientôt bombardée par les Américains en représailles à l’attaque de Pearl Harbor. C’est par là que commence Shin-hung Wu.
La famille d’Oken doit fuir la ville. En train, à pied, elle finit par atteindre « un petit village entouré de collines, étrange et mélancolique ». Malgré la violence des temps, le petit Oken est déjà fasciné par la beauté de la nature.
Après la guerre, les Japonais anéantis se retirent de Taïwan et la famille peut retourner vivre à Hualien. Mais tout a changé, la langue officielle devient le mandarin. C’est à l’école qu’Oken décide de choisir la voie artistique, originale, contre l’uniformité. Il tombe amoureux d’une petite Chinoise : Xiao-yu. Mais son enfance se termine bien vite, marqué qu’il est par la violence du monde symbolisée par la mort inutile du chien d’un de ses camarades.
Et ainsi, Shin-hung Wu oscille tout au long du livre entre, d’un côté, la noirceur du monde, ses souffrances, les ballottements de l’Histoire et de l’autre, la beauté éphémère de la nature, les visions abstraites, les fulgurances de la poésie. À l’image de cette araignée d’eau si délicate et fragile qui trace un sillon tellement élégant et fascinant.
Le mélange original d’aquarelle et de trait rend bien compte des deux versants de l’album. La première, intrinsèquement organique, capte la beauté du monde dans toutes ses dimensions tandis que le trait restitue la réalité de la guerre, du quotidien.
Entre réalité brute et éveil artistique, Oken révèle un futur « grand » du 9ème art.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Oken, combats et rêveries d’un poète taïwanais de Shin-hung Wu d’après Wang Mu, 208 pages, 23,50€, éd. Le Lombard. En librairie le 2 février 2024.