Hongkong, 2008, deux jeunes gens font leurs débuts dans la multinationale Jones and Sunn qui va bientôt être cotée en bourse. Le premier s’appelle Lee Xiang (« Lee pour Ang Lee et Xiang pour le rêve »), c’est un idéaliste apprécié pour sa franchise et sa vivacité d’esprit, la seconde se nomme Kat Ho, parle un anglais parfait et prend des notes plus vite que son ombre. Elle n’est cependant pas celle que l’on croit ! Ils vont découvrir les dessous de la finance en temps de crise (la faillite de Lehman Brothers, aux Etats Unis, est plusieurs fois évoquée) avec ses dirigeants pas toujours très loyaux et ses salariés un peu trop naïfs parfois.
Mais revenons à Johnnie To. On le connaissait comme étant un « maître du polar » et le voilà qui change totalement de registre et se lance dans la comédie musicale en 3D ! Il s’agit en effet de l’adaptation d’une pièce de théâtre Design for Living de la Taïwanaise Sylvia Chang, qui joue ici le rôle de la directrice Winnie Chang, le président étant interprété par le grand Chow Yun-fat (acteur fétiche de Johnnie To) ! L’aspect comédie musicale est peu marqué et s’intègre très bien à l’ensemble du film, heureusement car les orchestrations des chansons sont souvent un peu kitsch. La véritable trouvaille, on la doit au décorateur du film : William Chang, qui a beaucoup travaillé avec Wong Kar-wai. Ses décors ont la particularité d’être tous charpentés de néons et cloisonnés de vitres. Lumières crues et transparences innervent donc l’architecture de cet immense ensemble : métro inclus qui déverse chaque matin des flots de salariés indistincts, immeuble high tech avec son gigantesque hall et ses différents étages. Le tout donne un aspect futuriste mais de nombreux éléments renvoient aussi à des images bien connues d’un monde qui écrase l’individu, l’indifférencie absolument et le déshumanise. La première scène montrant les salariés dans le métro, chacun ayant les yeux rivés à son portable, et littéralement emportés vers le hall de la Jones and Sunn dans un seul mouvement grégaire nous fait immanquablement penser aux début des Temps Modernes de Charlie Chaplin où les ouvriers de l’époque étaient comparés à un troupeau de moutons. Puis l’énorme horloge qui surplombe le hall rappelle en permanence à tous que « time is money » et nous renvoie au Metropolis de Fritz Lang avec son Golem.
Alors derrière la fraîcheur de nos deux jeunes tourtereaux, derrière la fantaisie et la légèreté de la bluette pop, Johnnie To parvient à faire une critique assez juste du capitalisme par temps de crise économique et Office peut s’inscrire dans la grande lignée des films de cinéma traitant du sujet.
Camille DOUZELET
OFFICE Hua li shang ban zu (2015, Hong Kong/Chine, 119 mn, Couleurs, 2.35:1, 3D/2D) En salles à partir du 9 août 2017.