Mourir pour la patrie de Akira Yoshimura

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25 mars 1945, archipel d’Okinawa. Shinichi Higa, 14 ans, est enrôlé dans l’unité Fer et Sang pour l’empereur de la première école secondaire d’Okinawa. Le 1er avril 1945, les Américains débarquent et débute la bataille d’Okinawa. Elle s’achève le 21 juin de la même année.

C’est à travers un seul personnage, celui de l’enfant-soldat Shinichi Higa, que se construit tout le récit de Mourir pour la patrie. La fidélisation du reflet de l’état d’esprit de l’adolescent est frappante. Le patriotisme et fanatisme de ce dernier, glaçants. Shinichi Higa ne pense qu’à « mourir dans l’honneur et par le sacrifice dans le pays des dieux ».
Quant il se voit affecté comme estafette puis dans un service de secours et d’évacuation des blessés, telle n’est donc pas sa déception de ne pouvoir combattre et faire ainsi son devoir en tuant au moins dix soldats américains, avant de mourir lui-même. Jusqu’à la fin de la bataille, quand tout est déjà perdu depuis longtemps, il ne cessera de vouloir rejoindre les troupes de choc, composées de soldats qui se jettent avec leurs explosifs sous les chenilles des chars américains.
Au fil du récit, sa survivance lui fait éprouver une palette de sentiments : la colère, « La seule chance qu’il avait de mourir était d’être fauché par un obus, mort qu’il n’aurait pas choisie. Il était en colère. Il ne pouvait se satisfaire d’être tenu ainsi à l’écart de la bataille » ; la culpabilité ; la tristesse, « La tristesse d’avoir échappé à la mort le submergea. Qu’avait été la guerre pour lui qui n’avait pas tiré un seul coup de feu, ni lancé une seule grenade, ni même subi une seule blessure ? Rien, sinon une errance sur le champ de bataille ? », ou le regret. Pour terminer par un soulagement fugitif en constatant qu’il n’est pas le seul prisonnier, donc pas le seul survivant, avant d’éprouver de la honte et de l’humiliation.
Mais les souffrances de la population, un bébé qui essaye par exemple de téter le sein dénudé de sa mère dont le crâne est défoncé, elles, n’émeuvent pas Shinichi.
Et son face-à-face avec la réalité, avec l’ennemi, qui s’avère être est un homme tout comme lui (l’ennemi est longtemps représenté par les avions, les bombes, les bateaux, les flammes, le bruit des explosions…), ne remet pas en doute sa volonté de mourir en brave pour la patrie.
Shinichi Higa est l’incarnation de la galvanisation des troupes japonaises qui exigera une mobilisation incroyable des forces américaines et aura pour conséquence un nombre impressionnant de morts. On est bouleversé devant tant de gâchis et d’absurdité. Mais l’œuvre d’Akira Yoshimura met également en avant le tiraillement de Shinichi Higa, entre sa folie guerrière et son instinct de survie. Vraiment touchant.
Le style est épuré et cru, même si également imagée, naïveté et ignorance de l’enfance obligent. La description des faits et des situations ne nous épargnent pas l’horreur de la guerre comme les pansements où grouillent des insectes qui se nourrissent des plaies infectées…Mourir pour la patrie est donc avant tout une page d’histoire réaliste sur la cruelle et destructrice bataille d’Okinawa. Pour autant, les scènes finissent par être répétitives : les obus tombent, des blessés cris, le personnage principal fuit…

Éditeur : Actes Sud

Pays : Japon

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