MARIE-ANTOINETTE – LA JEUNESSE D’UNE REINE one de shot de Fuyumi SORYÔ

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Parmi les figures incontournables de la Révolution Française, le destin tragique de Marie-Antoinette, dernière reine de France et de Navarre, a depuis longtemps inspiré bon nombre d’auteurs : de la littérature avec Alexandre Dumas, jusqu’au cinéma sous les caméras de Jean Renoir, Sacha Guitry ou plus récemment Sofia Coppola, en passant même par le registre de la comédie musicale. Du côté du Japon, qui a toujours projeté des fantasmes d’élégance à propos de notre pays, cette icône historique fascine tout autant. On se souviendra bien évidemment en premier lieu de La Rose de Versailles (Lady Oscar) de Riyoko Ikeda qui, bien que se concentrant sur des héroïnes fictives, propose une représentation très détaillée et documentée de l’époque, où la Reine joue un rôle de premier plan. Plus récemment, Shin’ichi Sakamoto relate la même période dans Innocent, centré sur la vie du bourreau Charles-Henri Sanson, et nous présente dans ses derniers volumes en date une vision très personnelle du jeune couple royal.

Ces dernières années ont vu apparaître dans nos librairies un nouveau courant de mangas historiques, avec une part fictive plus ou moins assumée. C’est dans ce mouvement que surgit Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine, signé par Fuyumi Soryô. Connue il y a quelques années pour Mars ou ES Eternal Sabbath, la mangaka avait déjà fait ses preuves sur le récit d’époque avec Cesare, revenant sur le clan des Borgia. Ce nouveau titre est ainsi une collaboration directe entre l’éditeur japonais Kôdansha, l’éditeur français Glénat et le Château de Versailles. Mais au-delà de tout ce crédit, ce one-shot peut-il appuyer un angle inédit, peut-il nous offrir un éclairage nouveau sur la vie de la Reine ?

Après quelques pages introductives où l’on découvre une Marie-Antoinette adulte, réfugiée avec roi et prince au Petit Trianon, le récit glisse vers son sujet principal : la jeunesse d’  « Antonia », jeune princesse d’Autriche, à l’heure de son départ vers la France après qu’elle eût été promise à son futur roi. Au passage de la frontière à Strasbourg, elle devint officiellement la « dauphine de France », puis rencontra son époux dans la forêt de Compiègne avant de rejoindre Versailles pour la cérémonie de mariage. Vint alors le temps de la vie à la Cour…

Fuyumi Soryô se concentre alors son récit sur un axe central : celui de la relation entre les deux époux. De leur timidité mutuelle initiale, la mangaka mettra en avant la personnalité de la jeune autrichienne, n’hésitant pas à brusquer les convenances pour mieux se rapprocher de son mari, en partageant ses activités. Le tout en se risquant à quelques maladresses, mais bien vite pardonnées par d’autres coups d’éclats. Le rôle de la Comtesse du Barry est également évoqué, sans qu’il ne s’agisse d’un point d’ancrage important comme dans les versions d’Ikeda ou de Sakamoto. Mais à vrai dire, l’histoire se cantonnera essentiellement sur cette « romance » malhabile (et contestée par d’autres adaptations), comme si le seul enjeu pour la dauphine était de son montrer digne de son époux. Les enjeux politiques sont ainsi quasiment passés sous silence, le point de vue ne quittant jamais la Cour de Versailles et ses jeux d’influences, eux-mêmes relativement timorés. Aussi, le récit s’achève sur un doux sentiment d’amour éternel, qui sonne (volontairement ?) comme une ironie dramatique au vu de ce que l’Histoire leur réserve…

Au-delà de ce fond bien léger, le titre se rattrape par ses qualités graphiques indéniables : Fuyumi Soryô porte un trait réaliste. Si l’on regrettera que le couple royal soit présenté avec des physiques parfaits, l’exactitude historique se ressent avant tout dans le souci du détail, dans les costumes, coiffures et décors. Grâce aux collaborations éditoriales évoquées plus haut, la mangaka a pu bénéficier d’une visite privée à Versailles pour enrichir sa documentation. Il en résulte d’ailleurs un diaporama de photos et de peintures de l’époque, présenté en fin d’ouvrage. Glénat parachève l’ouvrage avec des dorures royales sur la jaquette, pour proposer un bel objet sans pour autant le rendre trop onéreux.

Hélas, au vu de ce travail collaboratif aux ambitions didactiques assumées, il est vraiment dommage que Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine ne se cantonne qu’à une vision aussi limitée et réductrice. Certes, 200 pages, cela paraît bien peu pour retranscrire ce destin mouvementé (il en aura bien fallu le décuple à Riyoko Ikeda), mais l’angle de la relation sentimentale était-il vraiment le plus intéressant ? Le choix est d’autant plus regrettable qu’il limite les ambitions d’Antonia à seulement devenir une épouse respectable, digne de son mari. La Révolution, ce n’est pas pour tout de suite !

MARIE-ANTOINETTE – LA JEUNESSE D’UNE REINE (—) one de shot de Fuyumi SORYÔ (2016)
Historique / Romance, France-Japon, Glénat – Seinen, septembre 2016, 196 pages, livre broché 9.15 euros

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