Made in Hong Kong est sorti en 1997, année de la rétrocession de l’île à la Chine. C’est le sujet même de ce film coup de poing sur une jeunesse à la dérive. Mi-Août, le narrateur, est un gringalet peu adepte des études. Il collecte les dettes pour M. Wing, un représentant des triades locales. Il prend sous son aile un jeune voyou handicapé Jacky. Celui-ci récupère deux lettres d’adieux laissées par une adolescente qu’il voit se suicider du haut d’un building. La rencontre avec une autre jeune fille, atteinte d’une maladie incurable, Ah Ping scelle aussi son destin et celui de ses comparses.
Fruit Chan, dans une grande liberté de caméra et une prise de son, la plupart du temps directe, donne une image vertigineuse et grouillante de la ville. Avec ses constructions gigantesques et ses familles souvent monoparentales – le père a « disparu », happé par une nouvelle vie – qui essaient de survivre. Les triades y gangrènent tout espoir de s’en sortir. L’agitation est constante. La jeunesse s’y débat avec toute son énergie, mais est broyée par son gigantisme et ses tentacules. Un seul moment de répit dans une belle scène tournée au cimetière Wo Hop Shek. La nature y garde ses droits dans toute sa splendeur grandiose. Le trio saute parmi les tombes faisant fi des traditions, uni dans un bonheur éphémère.
Le cinéaste a réussi son pari de mettre en scène les problèmes sociétaux d’une époque et ses bouleversements. Pour cela, il a refusé de s’en remettre à une major pour pouvoir « garder le contrôle ». Le résultat est « brut ». Il correspond exactement au malaise, à l’insécurité qu’il décline à travers son trio juvénile improbable et ses rebondissements en série.
Un thriller sentimental à la fois violent et tendre, fulgurant comme une jeunesse (é)perdue. Magnifique dans cette version restaurée, mais pas trop, qui permet de rendre compte de cette rudesse.
Notons aussi la grande pertinence des suppléments qui proposent plusieurs entretiens du réalisateur, de la productrice et du directeur artistique du festival de Locarno où le film a eu sa première internationale. Une réflexion s’ouvre, grâce à eux sur la frontière pas si évidente entre le cinéma indépendant et grand public.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Made in Hong Kong, Fruit Chan, Hong Kong,1997, 109mn, interdit aux moins de 16 ans, Blu-Ray ou DVD. Carlotta Films. Digipack collector limité 20,06€. Existe aussi en édition standard. En vente le 27 janvier 2021.