Les Rebelles du Dieu Néon (1992), Vive l’Amour (Lion d’Or à Venise en 1994)et La Rivière (Ours d’Argent à Berlin en 1997)sont rassemblés en version restaurée dans un coffret chez Survivance. Il est accompagné d’un livret contenant deux essais qui analysent parfaitement le cinéma du Taiwanais né en Malaisie Tsai Ming-Liang.
Dès les premières minutes du premier film, déjà, tout est là : la promiscuité moite des corps, la pluie battante, les garçons qui s’ennuient, qui se cherchent, qui se suivent, les chambres exiguës, la lutte en slip avec les insectes, les objets, avec l’environnement tout entier, l’inhospitalité du monde, nos vies humaines prises dans un devenir-cafard… L’énumération d’Olivier Cheval inaugurant le premier essai : Vestiges de la matière dure encore plusieurs lignes. Elle se termine par le nom de l’acteur qui tournera dans tous les films du réalisateur : Lee Kang-sheng. Un peu comme Jean-Pierre Léaud pour François Truffaut ou Toshiro Mifume pour Akira Kurosawa.
Dans Les Rebelles du Dieu Néon, son personnage :Hsiao-kang est la réincarnation d’un démon selon sa mère. Il incarne plutôt un jeune homme qui étouffe dans l’atmosphère familiale et qui cherche à vivre sa vie par procuration. Il s’identifie ainsi à deux petits délinquants dragueurs qui se déplacent en scooter dans un Tapei aux lumières électriques.
Dans Vive l’Amour, le voilà représentant d’urnes funéraires. Il squatte, comme deux autres protagonistes, un appartement vide. Les personnages restent cependant imperméables les uns aux autres.
Et enfin dans La Rivière, retour à la famille, il est atteint d’un torticolis soudain qui le tord de douleur. Seul son père pourra un instant le soulager.
Tsai Ming-Liang installe dans ses trois premiers films le mutisme de son acteur-muse qui se propage à presque tous les protagonistes. Il filme un Tapei gigantesque et tentaculaire qui rend ses habitants distants et indifférents les uns aux autres. L’érotisme y a sa place, de façon encore totalement détournée voire burlesque. Comme cette scène de Vive l’amour où Hsiao-kang est coincé sous le lit de l’appartement vide alors qu’un couple y fait l’amour bruyamment, faisant grincer les ressorts ou lorsqu’il s’entraîne à embrasser… une énorme pastèque !
On l’aura compris, Tsai Ming-Liang est un cinéaste des solitudes urbaines, de la claustration, de l’incommunicabilité. Son cinéma est fait d’obsession. Il est à découvrir ou à redécouvrir avant la grande rétrospective du Centre Pompidou reportée à 2022.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Coffret DVD, éd. Survivance.