Si pour l’Occident, le XVIIe siècle marque l’amorce de la science rationnelle, il faut reculer d’au moins 2000 ans pour se rendre compte de la démesure de celle apparut en Chine. Son oblitération tient avant tout à sa forme particulière : l’empirisme. En effet, cette méthode de découverte répugne à l’Europe. Elle lui apparait comme le résultat de l’expérience fondée sur le hasard. Peu scientifique en somme.
Pourtant, Les premières traces de la fabrication de la soie en Chine remonte au néolithique soit environ 8000 ans avant notre ère. Tout au long des siècles qui suivent, les artisans améliorent leurs méthodes de production. Ce qui fera la fortune de l’Empire du Milieu pendant de nombreux siècles. Et le conduira à instaurer une première mondialisation en commerçant jusqu’en Grèce ou avec Rome par la suite.
Si la soie est réservée à une élite, une autre découverte touche l’ensemble de l’humanité. C’est une conséquence de la pratique de la géomancie (Feng-Shui) : la boussole en 1044. C’est notamment grâce à cette fabuleuse découverte que l’amiral chinois Zheng He entreprend sept voyages entre 1405 et 1435. Il parcourt ainsi tout l’Océan Indien. Tout d’abord par cabotage, mais très vite, il atteint les côtes de Tanzanie au sud ou le Golfe Persique et la Mer Rouge au nord. Sa navigation se fait alors en ligne droite. Quant à l’Europe, elle n’ utilise vraiment cet instrument, qu’elle comprend à peine, qu’à partir de 1487 avec Christophe Colomb, notamment.
L’auteur, Jean-Marc Bonnet-Bidaud, est lui-même astrophysicien (1). Il a eu l’opportunité de consulter la plus ancienne carte du ciel (datation entre 649 et 684). Elle est chinoise et reproduite dans Les sciences de l’Empire du milieu. Elle cartographie la voûte céleste visible à l’œil nu de l’hémisphère nord. Non seulement elle respecte la position relative des astres (1339 étoiles pour 257 groupements), mais surtout elle est projetée selon la même méthode que découvrira le géographe flamand Gérard Mercator, 10 siècles plus tard. Excusez du peu !
Ce ne sont là que trois exemples des neuf savamment sélectionnés et développés par l’auteur. Il en a laissé une multitude de côté.
On ne peut donc qu’être admiratif du savoir accumulé et surtout strictement compilé par la Chine ancienne. Cette réussite tient au souci de maintenir l’homme en harmonie avec la Nature. Ce qui a conduit à l’observer méticuleusement dans un respect jamais démenti. Si bien que, très vite, les anciens Chinois tirent mille et un secrets de leurs observations. Leur inventivité fait en sorte de produire dans tous les domaines un ensemble de savoir des plus ingénieux.
L’écriture de Jean-Marc Bonnet-Bidaud est d’une grande rigueur scientifique alliée à une fluidité narrative. Elle emporte le lecteur sur les rivages de cette Chine ancienne tant dépréciée par l’Occident à la suite des échanges avec les Jésuites en poste à Pékin.
L’ouvrage est agrémenté d’une très riche iconographie et d’une pertinente érudition.
Gageons, à l’instar de l’auteur, que forte de ces deux approches scientifiques : l’empirisme et la rationalité, la Chine renaissante guidera l’humanité vers toujours plus d’élévation.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON (1) Lire son ouvrage : 4000 ans d’astronomie chinoise paru chez Belin en 2017.
Les sciences de l’Empire du milieu, Jean-Marc Bonnet-Bidaud, 224 pages, 26,90€, éd. Belin. En librairie le 6 septembre 2023.