Docteure en philosophie des sciences et chercheuse en politiques environnementales, Vandana Shiva est surtout connue pour être la cheffe de file d’une révolution écologique et féministe mondiale ainsi que du mouvement altermondialiste. Elle a reçu, entre autres, le prix Nobel alternatif en 1993 « pour avoir placé les femmes et l’écologie au cœur du discours sur le développement moderne ».
Dans ses Mémoires terrestres, elle raconte très simplement son parcours des forêts himalayennes où elle est née et a grandi aux tribunes de l’ONU et autres instances mondiales qui orientent les grandes les décisions supranationales pour l’avenir de la planète.
Elle était en France du 15 au 18 novembre dernier pour la promotion de son livre. Et nous avons eu la chance de la rencontrer, au Palais de la Mutualité à Lyon.
À travers son intervention, comme dans son dernier opus, c’est sa vitalité, le nombre et la force de ses combats qui frappent. Que ce soit pour la terre, les femmes, l’eau, les semences ; elle est toujours du côté de la vie saine et libre.
En effet, elle a retenu de l’éducation de ses parents et de son enfance une entière liberté : à 11 ans elle a choisi son prénom. Comme ses parents avant elle avaient choisi leur nom, en dehors de toute notion de caste. De son enfance aussi, la proximité avec la nature lui a donné une connaissance concrète de celle-ci et de tous ses interconnexions.
Dès sa jeunesse, Vandana Shiva s’engage pour toutes les causes qui lui semblent justes. Dans les années 70, le mouvement Chipko naît dans les montagnes himalayennes. Des femmes « s’accrochent » aux arbres pour qu’ils ne soient pas abattus, contre les gros entrepreneurs forestiers donc. Étudiante à l’époque en physique quantique, elle passe tous ses étés comme bénévole dans ce mouvement, « mon université de l’écologie » dit-elle.
À partir de là, elle ne s’arrêtera pas de lutter. Contre les brevets sur les semences, d’abord. Elle crée Navdanya, la graine. C’est une association, une ferme de conservation en Inde. Et elle égraine l’idée dans le monde entier pour conserver les semences naturelles et libres d’être échangées. Tout le contraire de ce que voudraient les entreprises transnationales telles Bayer-Monsanto, promoteurs depuis plus de 50 ans de la « Révolution verte ».
Et elle explique très clairement comment les experts nationaux et internationaux, par leur esprit réductionniste, méprisent les connaissances locales. Ils ont ainsi détruit la biodiversité de son Karnataka natal, grand pourvoyeur de bois pour l’industrie. En y important l’eucalyptus par exemple, au détriment du margousier et du honge indigènes, ils ont annihilé le cycle de l’eau et la conservation des sols.
Vandana Shiva s’inscrit dans la lignée de Gandhi ou de Martin Luther King. Elle prône, comme les femmes Chipko, une alternative non violente à la violence des politiques de l’OMC et la Banque mondiale qui par leur économie de marché ne font qu’aggraver l’état de la planète. En détruisant les forêts naturelles, en promouvant les monocultures et l’implantation de multinationales dans les régions du Sud (comme Coca Cola à Pluchimada en Inde) c’est la biodiversité qu’ils détruisent.
« Pour moi, protéger la biodiversité, c’est protéger à la fois l’intégrité de la vie, les droits à la souveraineté ainsi que les connaissances et besoins des communautés locales qui ont été les protectrices et les gardiennes de cette biodiversité » dit l’autrice. Pour elle, connaissance et action, science et activisme représentent un continuum interconnecté.
Il faut donc lire ce livre et tous ceux de Vandana Shiva ! (1) Non seulement ils décryptent le double langage des grandes instances mondiales, mais surtout ils nous font garder patience pour les combats à mener.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notamment notre chronique https://asiexpo.fr/qui-nourrit-reellement-lhumanite-de-vandana-shiva-sort-en-librairie/
Mémoires terrestres, Vandana Shiva, traduit de l’anglais par Marin Shaffner, 224 pages, 22€, collection « diagonales », éd. Rue de l’Echiquier et Wildproject. En librairie le 6 octobre 2023.