De tout temps, l’Europe fut le théâtre de guerres. Cependant, à partir de 1815, ce continent semble relativement épargné pendant un siècle. Si, peu de combats se déroulent sur son sol, le reste du monde, lui, n’est pas épargné. Loin s’en faut. Entre 1815 et 1914 on dénombre 362 conflits armés dans le monde.
Dans son dernier ouvrage, les guerres lointaines de la paix, Sylvain Venayre met en évidence l’aveuglement de certains historiens, non dénués d’intentions manipulatrices. Ils soutiennent, en effet, que l’Occidental apporte la liberté, l’humanité et la civilisation par l’entremise de ce qu’ils nomment « la pacification » ou « des opérations de police ». Lorsque ce n’est pas tout bonnement une annexion territoriale en bonne et due forme.
Jamais le mot « guerre » n’est utilisé, d’ailleurs. Puisque ce terme de droit implique une forme d’altérité avec l’agressé. Ce que la supériorité européenne ne peut admettre. De ce fait les résistants autochtones sont péjorativement appelés : « des pirates, des assassins, des brigands ou des sauvages ». Les envahisseurs européens ont donc eu beau jeu de nier ces guerres coloniales. Puisqu’ils étaient convaincus qu’elles n’en étaient pas.
La politique de la canonnière est aussi une pratique courante chez les occidentaux. Notamment pour prendre pied en Aise. L’exemple le plus frappant de cette coercition demeure à jamais la manière dont une flotte états-unienne, en juillet 1853, menaça le Japon si le shogun Tokugawa n’ouvrait pas ses ports au commerce occidental.
En plus d’engranger de formidables dividendes, les occidentaux ne se privent pas à partir de 1830 de se répandre à travers le monde au nom de cette théorie fumeuse : « L’effet naturel du commerce est de porter la paix ».
C’est avec une acuité sans concession que Sylvain Venayre nous déroule l’historique de ces guerres lointaines. Grâce à son écriture très accessible et rigoureusement documentée, il permet au lecteur de mieux percevoir le processus criminel et paradoxal d’une colonisation condescendante. Puisque la réalité sur le terrain est sans foi ni loi.
Grâce au décentrage nécessaire mis en relief par l’auteur, le monde occidental ne peut que reconnaître la place ignominieuse qu’il a occupée au cours du XIXè siècle.
Depuis près de trente ans, la prise de conscience de son rôle face au monde peut, enfin, lui permettre un plus juste rapport avec les autres pays et notamment ses anciennes colonies. Petit à petit, nous nous en approchons et cet ouvrage y contribue largement.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les Guerres lointaines de la paix, Civilisation et barbarie depuis le XIXè siècle, Sylvain Venayre, 368 pages, 22,50 €, coll. NRF Essais, éd. Gallimard.