LEE Chang-Dong

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Né le 1er avril 1954 à Taegu City, Lee Chang-dong est un enfant solitaire. Pour pallier à son manque de communication avec son entourage, il se met à écrire énormément. Après une scolarité relativement normale, il poursuit des études de langue et littérature coréennes à l’Université Nationale de Kyungbuk et sera diplômé en 1980. Parallèlement à son métier d’enseignant dans un lycée, il continue d’écrire à ses heures perdues. Sa femme le poussera à persévérer dans cette voie. Chaque soir, après son travail, il s’impose un régime draconien à base de plusieurs heures d’écriture, aboutissant à la publication de son premier roman : “The Booty” en 1983. Il rédigera deux autres ouvrages, “Burning Papers” et “Nokcheon” en 1987 et 1992. Profondément marqué par le massacre de Kwangju, le laissant dans un désespoir absolu, ses romans sont tous de violentes critiques envers le régime autoritaire en place et les abus de pouvoir des représentants de l’ordre. La littérature étant encore sous étroite surveillance, LEE use de toutes les ruses pour contourner les instances de censure et rédiger des véritables pamphlets sous couvert de symbolismes et métaphores bien sentis. Seul “Nokcheon” a été rédigé lors de l’instauration de la démocratie et s’attaque frontalement au problème du système de délation et de la paranoïa en Corée.

En 1993, il est approché par l’un des instigateurs de la “Nouvelle Vague Coréenne” cinématographique du début des années 90, PARK Kwang-su qui lui demande de rédiger le scénario de “To the starry island”. En contrepartie, il pourra officier comme assistant-réalisateur et ainsi se familiariser avec les techniques de tournage. Le duo récidivera pour l’excellent “A single spark”, adaptation de l’histoire véridique d’un activiste ouvrier consacré comme héros pour le mouvement gauchiste dans les années 60 et 70.

Ces expériences motiveront LEE à s’essayer à la réalisation. Rédigeant une première version de son “Peppermint Candy”, il ne trouve pourtant aucun soutien financier : son inexpérience et – surtout – le sujet épineux à la structure narrative peu commune effraie les producteurs par temps de relative crise cinématographique. Comprenant qu’il doit tout d’abord faire ses preuves et miser sur un thème plus classique pour augmenter les chances d’un succès populaire, LEE propose alors un petit polar sur un jeune homme attiré par le monde de la pègre et s’éprenant de la femme de son chef. “Green Fish” arbore une intrigue apparemment classique, mais l’écrivain passé réalisateur détourne habilement le sujet de ses conventions pour l’appliquer à son propre univers. Le thème principal est moins l’ascension d’une petite frappe dans le milieu de la pègre, que le prolongement de son thème de prédilection auparavant développé dans ses livres : l’impossibilité de communiquer, que ce soit au sein d’une famille ou entre deux personnes amoureuses. Au passage, LEE égratigne une nouvelle fois les forces de l’ordre par l’épisode peu glorieux des agents corrompus ou par le frère policier alcoolique. Le public lui réservera un chaleureux accueil et il sera sélectionné lors de nombreux festivals internationaux.

Fort de son relatif succès populaire, LEE dispose d’une carte de visite suffisante pour gagner la confiance de producteurs désormais prêts à investir dans son choyé “Peppermint Candy”. Il y a de quoi être méfiant, tant le film est ambitieux par son sujet, que par son audacieuse mise en scène. Déconstruction narrative, l’histoire étalée sur plus de vingt ans démarre par le suicide du personnage principal avant de remonter progressivement dans le temps pour expliquer les causes de son acte désespéré. Les différents passages temporels constituent autant d’événements majeurs dans l’Histoire de la Corée et racontent à travers le singulier destin toute la tragédie du pays au cours des dernières décennies. Brillamment interprété, excellemment réalisé, le film est un véritable coup de poing et se place parmi les premiers de son genre à oser ouvertement évoquer le conflit entre les deux Corée avant qu’une flopée de films n’aient suivi depuis. Le pari osé se révélera largement gagnant, le film s’avérant un réel succès dans son pays, assurant l’ouverture du prestigieux Festival de Pusan, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes puis dans plus de trente festivals.

Pour son film suivant, LEE choisit de changer complètement son fusil d’épaule en s’attaquant frontalement à un sujet tabou de la communauté coréenne : l’handicap. En recomposant le couple de son précédent long métrage, l’incroyable MOON So-ri et l’excellent SEOL Gyeong-gu, il réussit à rendre totalement crédible l’histoire d’amour entre une tétraplégique et un (léger) attardé mental, et à éviter tout pathos et à davantage exploiter cette carence communicative entre deux êtres que tout oppose. Une nouvelle fois sélectionné dans une multitude de festivals à travers le monde – dont celui de Lyon -, il récolte le prix de meilleur réalisateur à Venise.

Fin février 2003, le nouveau président libéral ROH Moo-hyun propose à LEE Chang-dong de devenir ministre de la Culture en charge de la fragile économie cinématographique coréenne. Le réalisateur accepte à contre-cœur, car il a peur de devenir l’un de ceux qu’il n’avait eu de cesse de dénoncer à travers ses œuvres. Peur également d’être noyé dans une pénible bureaucratie et de ne pouvoir faire avancer les choses. Pourtant, il mettra son mandat de seize mois à profit pour défendre un cinéma d’auteur et de qualité et encourager la production cinématographique nationale, qui n’a pas démérité au cours de ces dernières années, tant la production est foisonnante et les métrages d’un réel intérêt.
Actuellement, il est toujours attelé à la rédaction de son nouveau métrage, “Secret of Sunshine” (ou “Secret of Moonlight”, il ne sait encore quel titre choisir…), l’histoire d’une femme coréenne dans une petite ville.

Pays : Corée du Sud

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