Voilà une bien curieuse façon d’enquêter qu’utilise Kaga Kiôichirô, un nouvel inspecteur affecté dans le quartier de Nihonbashi, le Tokyo ancien. Il s’attarde à de tels détails qu’on ne le voit pas venir. Il ne semble jamais prendre part à l’enquête en cours. En effet, suite au meurtre d’une habitante récemment installée dans le quartier, il est chargé d’aider ses collègues de la préfecture de police.
Toutefois, sa méthode en surprend plus d’un, à commencer par Uesugi celui qui dirige l’enquête. En effet, pour innocenter un suspect, il ne dispose que de sa force d’analyse concernant le port ou non d’un veston à un moment précis de la journée. C’est en toute décontraction, chemise ouverte sur un tee-shirt, qu’ il déambule dans les rues pour visiter chacun des commerçants. En fait, il semble ne s’attacher qu’à des détails et ainsi, ne pas se soucier du meurtre. Toutefois, à force d’accumuler des éléments anodins et de les recouper, il finit par découvrir immanquablement le meurtrier.
Plus que le mobile du meurtre ou l’enquête elle même, ce qui passionnera le lecteur, c’’est l’air de ne pas y toucher de Kaga. Sa méthode est peu orthodoxe pour parvenir à ses fins. Un des personnages ne dit-il pas de lui qu’« il fait l’école buissonnière ». Car en même temps qu’il enquête (oui, tout de même ! ), il explore méticuleusement. Chaque endroit nouveau lui plaît. Il est d’un naturel sociable, alors il discute avec tout le monde. Il peaufine par la même occasion l’imbrication des preuves dont il a besoin.
On l’aura compris l’inspecteur Kaga est un policier atypique, même Uesugi en convient. Plus que de découvrir le coupable, ce qui motive l’inspecteur dans son métier, ce sont les rapports humains. Il offre un jus de banane à l’une, des gaufres à l’autre. Juste par convivialité. Il affirme que la police ne doit pas se contenter de boucler son enquête. Elle crée une certaine complicité avec les citoyens. En s’intéressant réellement à eux, à leur milieu, leur mode de vie. Il a un vrai sens civique !
C’est le neuvième opus dans la collection Actes noirs (1) du maître incontesté du polar japonais. Il y adopte, comme à son habitude, un style très fluide. Sa narration est linéaire avec beaucoup de dialogues qui la rendent très vivante. La lecture de ce roman à tiroirs est donc aisée. Et ce, malgré les nombreux personnages, parfois atypiques, comme l’horloger ou le jeune comédien, tous potentiellement suspects…
Une bonne lecture sous le parasol et sans masque !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) lire nos chroniques https://asiexpo.fr/la-lumiere-de-la-nuit-de-keigo-higashino/ ; https://asiexpo.fr/les-doigts-rouges-de-keigo-higashino-sort-chez-actes-sud/ ; https://asiexpo.fr/les-miracles-du-bazar-namiya-de-keigo-higashino-parait-le-22-janvier/
Le nouveau, Keigo Higashino, roman traduit du japonais par Sophie Refle, 336 p., 22€, collection Actes noirs, éd. Actes Sud.