Il est difficile de prétendre comprendre le présent quand on ignore tout du passé. Afin de confronter l’image parfois erronée qui est diffusée à travers les productions culturelles, je me suis intéressé aux réalités historiques auxquelles les ninja ont été confrontés. Si la première utilisation du terme ninja remonte au XVIIème siècle, les premiers signes de développement de l’art ninja sont bien antérieurs à cette date.
Qu’est-ce qu’un ninja ?
Beaucoup d’idées sont associées au terme de ninja. Tantôt guerrier, tantôt super héros, bien qu’il soit connu partout dans le monde, le ninja n’en reste pas moins un individu entouré d’un grand mystère.
Avant toute chose, qu’est-ce qu’un ninja ? En japonais, Ninja provient du mot shinobu qui signifie se cacher, se camoufler, mais aussi supporter, endurer. Le ninja serait donc un individu enclin à se cacher, mais aussi capable d’endurer de grandes souffrances. Dans cette logique, le rôle principal attribué aux ninja prend tout son sens. En effet, le ninja est reconnu comme étant un guerrier-espion dont le principal atout est la capacité de furtivité pour mener à bien ses missions. Ainsi, même si l’existence des ninja s’étend sur plusieurs siècles, il apparaît clairement une période où ceux-ci étaient davantage exploités, de par leur utilisation stratégique par les différents seigneurs dans un Japon médiéval conflictuel. Cet usage accru du ninja qui a commencé au XIIe siècle, mais qui a véritablement pris son ampleur entre les XVe et XVIIe siècles, a marqué l’apparition du ninja dans les consciences collectives. Mais cette image était associée à celle d’un assassin cruel et impitoyable, coutumier des techniques les plus atroces. Il n’avait donc alors rien d’un héros, mais s’apparentait plutôt au croque-mitaine, que l’on craint dans sa chambre sitôt la nuit tombée. Le spécialiste français des ninja Florent Loiacono définit le ninja comme “une sorte d’écolo avant la lettre, naturaliste et religieux, vivant à l’écart d’une société hiérarchisée”.
Les capacités furtives des ninja font partie intégrante de leur existence puisqu’elles se retrouvent jusque dans l’étymologie du mot. Mais avant d’être un espion furtif, le ninja est avant tout un individu adepte du ninpo.
Le ninpo est la doctrine de laquelle découlent tous les ninja. Il ne renvoie à aucun document écrit. La doctrine ninja s’est construite au fil des rencontres de ses adeptes avec des personnes pratiquant des arts susceptibles de s’intégrer dans la voie du ninja, telles que des moines ou des travailleurs du cuir. On retrouve dans cette doctrine toutes les valeurs que les ninja doivent mettre en avant, telles que l’endurance, la persévérance et la capacité d’adaptation. Cela comprend des techniques de combat et de survie. Le ninpo lui enseigne donc comment survivre dans la nature, par le biais du camouflage et en apprenant à se soigner avec les plantes et les champignons qu’il peut ramasser autour de lui. Toutes ces techniques sont désignées par l’appellation de ninjutsu.
Les origines de la doctrine
Situer avec précision l’apparition du ninjutsu, et donc des ninja n’est pas chose aisée. Florent Loiacono souligne le fait que si les diverses théories historiques peuvent se contredire quant à l’apparition spatio-temporelle des ninja, c’est tout simplement parce que le ninjutsu n’est pas un art spécifique et bien déterminé. Dans son ouvrage “Ninja et Yamabushi, guerriers et sorciers du Japon Féodal”, il détaille un certain nombre d’éléments pouvant être assimilés comme étant à l’origine des arts ninja.
Estampe du Shogun Ieyasu Tokugawa.
Au XVIIe siècle, une grande partie de la police d’Edo, la capitale, était constituée de ninja. Ces ninja dans la police shogunale formaient les onmitsu. Ils avaient notamment pour attribution l’espionnage des daimyo, dans le but que le shogun ne subisse pas une rébellion surprise de ceux-ci. Plus généralement, ils étaient, comme toute police, chargés de maintenir l’ordre, mais leurs capacités personnelles les indiquaient tout particulièrement pour les missions de surveillance et d’espionnage. Une autre partie de ces ninja à la solde du shogunat étaient les oniwaban. Ceux-ci constituaient en quelques sortes la garde personnelle du shogun. Ils étaient ainsi chargés de veiller à la sécurité personnelle du shogun ainsi que celle du château. Stephen Turnbull définit Tokugawa comme “un politicien astucieux”, et que rien n’illustre mieux cela que le fait qu’il ait mis les meilleurs ninja du Japon à son service.
Août 2008
La semaine prochaine : Le ninja entre mythes et réalités
Pays : Japon