Les éditions Sully ont l’excellente idée de publier un deuxième volume de la splendide collection de Yokai de Yumoto Koichi. Ancien conservateur du Kawasaki City Museum, il poursuit des recherches sur les yokai au travers de sa collection, la plus riche du monde, tout en enseignant cette culture à l’université. Nous avions déjà eu le plaisir de rendre compte du premier tome Le musée des Yokai (1).
Le monde merveilleux des Yokai est subdivisé en trois chapitres. Le premier, l’univers artistique des Yokaï, est centré sur la conception picturale de ces monstres. Nous n’échappons pas à la très fameuse Parade nocturne des cent démons. Elle apparaît au travers de multiples emaki (rouleaux peints) plus ou moins maîtrisés. Cependant, d’autres sujets sont mis en scène avec bonheur. En effet, on contemple avec délectation la finesse du trait de combat contre le Shuten-dôji. Tout comme nous pouvons admirer le travail préparatoire au trait concernant cette même aventure. Suit à la fin tout un bestiaire de personnages aux formes les plus extravagantes et aux intentions plus que douteuses.
Le deuxième chapitre aborde le genre graphique par excellent de l’art japonais, à savoir : l’estampe, dans les Yokai imprimés. Ici aussi, la beauté et l’exubérance des artistes n’ont plus de limite. Il suffit d’admirer L’Apparition des Yokaï de Tsuchigumo pour s’en rendre compte avec une immense délectation. Toutefois, c’est sous sa forme imprimée la plus conventionnelle que la collection de Yumoto Koichi nous offre une multitude d’autres trésors, à savoir :journaux, enveloppes, illustrations diverses, jeu de cartes, etc.
Le troisième chapitre, les Yokaï devenus objets, quant à lui, nous immerge dans la troisième dimension. À savoir qu’il fourmille de sujets en volume des plus inattendus. Notamment des centaines de statues assises ou debout en bois de l’époque Edo. Elles sont d’une saisissante véracité !
En fin d’ouvrage, l’auteur nous gratifie d’un petit livre illustré par Saitô Gesshin : Jinmen Zôshi. Bien que le sujet porte sur les habitants d’Edo et non sur les Yokai, l’esprit qui sous-tend l’ouvrage est très proche de la force qui anime les êtres extravagants.
On perçoit, à travers ce livre, que les Yokai sont devenus au fil du temps des êtres à part entière pour le peuple japonais. De la peur des débuts, leur fréquentation quotidienne finit par les rendre, sinon amicaux, tout au moins d’une neutralité rassurante. Il les considère comme un monde concret parallèle au leur. Peut-être même qu’il s’apparente à un miroir qui renvoie le côté sombre de ses contradictions.
Un bel ouvrage à explorer au-delà des apparences bien souvent trompeuses.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) lire notre chronique sur le tome 1 : https://asiexpo.fr/le-musee-des-yokai-lart-japonais-des-etres-surnaturels-de-la-collection-yumoto-koichi-par-lui-meme/
Le monde merveilleux des Yokai, les êtres surnaturels dans l’art japonais de la collection Yumoto Koichi, 256 pages, 35€, éd. Sully.