Les éditions Synchroniques ont publié, il y a peu, deux ouvrages emblématiques du Haïku. Haïkus et notes de voyages (Nozarashi kikô) de Bashô (1644-1694), maître incontesté dans ce domaine. Ainsi que Haiku en liberté Le bol du mendiant (Hachi no ko) de Santôka (1882-1940). Ce dernier a abandonné la forme fixe, rythme et kigo, pour plus de liberté.
Dans ce dernier titre tout est dit. En plus d’écrire leurs ouvrages au cours de très longs voyages à pied, les auteurs ne vivaient que de mendicité. Ce choix délibéré leur permettait d’être le plus ouvert possible aux instants fugaces qui s’offraient à eux. Ainsi ils rendaient mieux compte des sensations qu’ils rencontraient.
C’est ce qui, bien évidemment, transparaît dès l’ouverture de leur ouvrage respectif. Bien qu’ils soient édités dans des formats très différents, leurs similitudes sautent aux yeux. Ils sont toujours agencés sur une double page. À gauche, le plus souvent, un ou plusieurs haïkus en trois versions. Tout d’abord le poème calligraphié, ensuite le texte tel qu’il se prononce en japonais (méthode de translittération hepburn) et enfin la traduction française.
En regard des textes, des haïga de la peintre contemporaine française Manda agrémentent les deux volumes. Le haïga, forme très prisée des haïkistes, consiste à ordonner peinture et calligraphie d’un haïku sur une même feuille pour obtenir une œuvre accomplie. André Vandevenne se chargeant de l’adaptation avec Manda.
Quinze calligraphies d’Ibata Shotei, créateur de l’inspiration libre, parachèvent la mise en page du recueil de Santôka. Il s’agit là d’une magnifique édition de luxe.
Tout au long de ces beaux ouvrages nous cheminons en compagnie des deux moines errants. L’édition de Bashô est d’ailleurs conçue pour se glisser dans une poche… Ils semblent parfois se répondre.
Au départ. « Décidé / À livrer mes os en route / Le vent me tenaille. » (Bashô). « Ciel sans merci / Mais je vais / Mendiant » (Santôka).
En chemin. « Rescapé du périple / En entrevois le terme / En ce jour d’automne finissant »(Bashô). « Compagnon de route / Une libellule sur mon chapeau » (Santôka).
Et pour finir. « C’est avec des fleurs de deutzies / Hélas que je pleure / L’ami des pruniers (Bashô). « Le repas terminé / Je repose les baguettes. Seul / Redevable Rassasié (Santôka).
Deux invitations au voyage vers l’essence même de la vie.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Haiku en liberté le bol du mendiant (Hachi no ko), de Santôka, collection Grands Textes illustrés, 22€, éd. Synchroniques.
Haïkus et notes de voyages (Nozarashi kikô), Bashô, collection Petits Classiques Illustrés, 12,90€, éd. Synchroniques.