De Fei Mu, immense réalisateur des années 40, au dernier blockbuster destiné à un public international, la programmation de la seconde édition du Festival du cinéma chinois à Paris (1er au 12 mars 2006) a largement rempli sa mission : faire connaître et apprécier le cinéma chinois au-delà des préjugés et des stéréotypes.
Selon les organisateurs, même si beaucoup de points sont à retravailler (notamment le suivi médiatique du côté français], la satisfaction réside d’abord dans le fait de montrer indépendamment le cinéma chinois contemporain. En effet, durant l’Année de la Chine en France en 2004, la rétrospective consacrée au cinéma s’arrêtait aux années 80. La passion et l’implication des fondateurs ont permis de lever les obstacles et de fonder une manifestation qui est certainement en route vers de plus grands jours.
Impression véhiculée aussi par un public au rendez-vous. Lors des séances en présence des réalisateurs, le nombre de personnes, hormis les Chinois, curieuses ou au fait de la culture asiatique montre qu’il y a un engouement certain à nourrir.
La rétrospective Fei Mu, le film tibétain Le Silence des pierres sacrées, la présence de l’actrice Zhou Xun et les rencontres professionnelles ont été parmi les temps forts ; quatre temps du festival qui ont permis d’embrasser le cinéma chinois dans sa durée et son histoire – avec aussi des films comme Les cinq fleurs d’or (1949) ou Les héros sortent de la jeunesse (1983). La variété des films contemporains projetés a montré une production sachant manier les recettes hollywoodiennes avec Perhaps Love de Peter Chan (comédie musicale servant une histoire d’amour édulcorée) mais aussi au service de la créativité et la réflexion sur la société avec Paon, première réalisation de Gu Changwei, directeur de la photographie de Chen Kaige entre autres, et La vie arrachée de la cinéaste Li Shaohong (seul film du festival non autorisé à la diffusion par le Bureau du film chinois).
Paon, Ours d’argent au dernier Festival du film à Berlin, raconte l’évolution de trois frères et sœurs dans une famille modeste d’une petite ville chinoise. Trois caractères, trois parcours à partir des années 70, dans une mise en scène privilégiant l’esthétisme. La vie arrachée, filmé en DV, ressemble à un documentaire suivant une jeune fille en milieu urbain aux aspirations les plus élémentaires mais à qui rien ne sourit. A signaler dans ce film, l’impressionnante prestation de Zhou Xun, beaucoup plus convaincante que dans Perhaps Love.
Le festival proposait aussi une comédie populaire satirique de 2003, Cell Phone de Feng Xiaogang, succès au box-office chinois et révélateur des nouveaux rapports de couple dans la Chine d’aujourd’hui. Un souffle d’avant-garde est venu avec le premier film entièrement tibétain, Le silence des pierres sacrées de Wanma Caidan de 2004, mention spéciale à l’un des plus grands festivals de cinéma d’Asie, le Festival de Pusan. Ce film laisse espérer d’autres films tibétains tout aussi inspirés.
Les productions plus anciennes nous ont emmenés du côté des paysages montagneux et du temps des communautés socialistes. Retour en arrière apprécié pour son apport culturel mais aussi pour prendre du recul par rapport à la situation politique chinoise d’aujourd’hui.
Projet porté par les élans du cœur comme l’atteste la programmation plus que par les intérêts diplomatiques et commerciaux, ce festival a le mérite de satisfaire un peu tout le monde. Pour le grand public, un excellent moyen d’appréhender une culture mal connue. Pour les professionnels, les officiels et les spécialistes, un moyen d’approfondir et d’entretenir des relations avec un pays en plein bouleversement.
mars 2006
Pays : Chine