LE CUISINIER DU DICTATEUR (KIM JUNG IL NO RYORININ) de Kenji FUJIMOTO

culture

  Jeune maitre sushi, Kenji Fujimoto est contacté par la chambre de commerce nippo-nord-coréenne pour aller travailler dans un restaurant en Corée du Nord. Contre l’avis de la femme et de ses filles, il décide de tenter sa chance, attiré par la curiosité et le salaire proposé. Pour une durée de 9 mois, d’août 1982 à mai 1983, il va d’abord exercer dans un restaurant de Pyongyang avant de se retrouver devant Kim Jong Il. Alors que Mr Fujimoto ne l’avait pas reconnu lors des 1ères fois qu’il a travaillé devant lui, il va être de plus en plus demandé à cause de son talent. Deux ans après être revenu au Japon, il est contacté par son ancien interprète nord-coréen, qui lui demande s’il ne voudrait retourner dans son pays. Nostalgique de son expérience, notre maitre sushi repart en Corée du Nord en août 1987, pour une durée au départ de 3 ans. Travaillant alors quasi exclusivement pour Kim Jong Il, il va découvrir la vie fastueuse de celui qui deviendra en 1994 le nouveau Grand Général. Mais il va également vivre des moments bien plus sombres en entrapercevant l’envers d’un des pays les plus fermés qui existe.

  Comme le dit Juliette Morillot, il faut revenir ce livre dans son contexte de parution au Japon. Sorti en 2008, ce condensé des 2 écrits de Kenji Fujimoto parus en 2003 et 2004 est là pour exacerber la crainte que provoque la Corée du Nord à cette époque. Mais pourtant ce que raconte notre maitre sushi est avant tout assez naïf, tout comme l’est le personnage en lui-même. Attiré par le luxe, le salaire, les primes et le train de vie de Kim Jong Il, il va se laisser séduire par l’homme, par son aura et son excellent palais ! Fin gourmet, il permettra à Mr Fujimoto de faire de délicieuses expériences culinaires. Et ce alors que la Corée du Nord traversait de très graves crises humanitaires faisant des millions de morts. Il bénéficiera de ses largesses, avec Mercedes, moto et cheval personnel par exemple, tout en visitant les somptueux domaines privés du Général dispersés dans tout le pays. Il divorcera même, pouvant ainsi épouser une nord-coréenne, par l’intermédiaire directe de Kim Jong Il. Ami et confident de ce dernier, possédant pendant un moment une haute position dans la hiérarchie, Mr Fujimoto visitera même une usine militaire ultra secrète et aura vent des problèmes sur le développement du nucléaire nord-coréen. Mais avant tout ce livre rapporte les anecdotes que son auteur vivra dans ce pays, avec le dictateur et son entourage, lors de son travail, de ses voyages et de ses loisirs. Si tout est regroupé par période ou par thème similaire, ce sont de petites tranches de vie, des expériences, souvent assez courtes et dans le désordre. Agrémentées de photos et de croquis, elles nous permettent d’entrer dans l’intimité de Kim Jong Il, de lui découvrir des facettes très humaines (il lui arrivera même de s’excuser devant Mr Fujimoto) mais également de ressentir son autorité et son intransigeance. Tout le pays tournant autour de lui, cela fausse les réactions de ses proches tandis que ses services secrets sont impitoyables et méticuleux.

  Ce livre n’est donc pas un grand récit sur la Corée du Nord et Kim Jong Il. Il permet surtout de découvrir l’homme, son train de vie, ses habitudes et donc une face cachée de ce pays vu qu’il est interdit d’évoquer la vie privée du dictateur. Illustré de photos rares, écrite dans un style très simple, c’est une plongée intimiste dans un régime où règne le secret. A défaut d’apprendre d’importantes choses, nous avons des anecdotes méconnues et fascinantes (ou ahurissantes, c’est selon). En bref, c’est une curiosité pour satisfaire notre curiosité.

Fabrice Docher

LE CUISINIER DU DICTATEUR (KIM JUNG IL NO RYORININ) de Kenji FUJIMOTO (2008)

Témoignage / Tranches de vie, Japon, Hugo Doc, avril 2019, 240 pages, livre broché 18.50 euros

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