Après le préquel et la suite, le clan des Otori est adapté en bande dessinée. Ce premier tome revisité de la célèbre saga de Lian Hearn devient Le silence du rossignol d’après le scénario de Stéphane Melchior et les dessins de Benjamin Bachelier. C’est d’ailleurs leur deuxième adaptation de « classiques » contemporains puisqu’ils ont déjà collaboré pour leur Gatsby le magnifique en 2013.
Nous sommes dans la deuxième moitié du XVème siècle, dans un Japon « rêvé » en proie aux guerres de clans. Le jeune Tomasu est un Invisible, du nom des premiers chrétiens du Japon. Le seigneur Otori Shigeru lui sauve la vie alors qu’il est poursuivi par les hommes d’Iida Sadamu, chef du clan Tohan, qui ont incendié son village. Il en est le seul rescapé et a réussi à désarçonner l’immense combattant, le pire ennemi de Shigeru.
Les deux fuyards font route vers Hagi : « la forteresse dans la mer », capitale des Otori. C’est là que Tomasu devient Takeo, est adopté par Shigeru et reçoit une éducation digne de ce nom. Il lui est aussi révélé qu’il a des dons exceptionnels de par son père Kikuta Isamu. Il est un représentant des plus vieux habitants du royaume, du temps où « la magie avait plus de poids que la force des armes et où les dieux cheminaient encore sur la terre », avant l’avènement des clans. Celui des Otori est d’ailleurs affaibli depuis sa pire défaite dans la plaine de Yaegahara, à cause de la trahison des Noguchi. Il y a perdu plus de dix mille hommes.
Parallèlement, la jeune Shirakawa Kaede est retenue en otage par le seigneur Noguchi. Plusieurs événements malheureux fondent l’idée qu’elle porte malheur aux hommes qui l’approchent. Elle est donc un appât que le clan Tohan veut introduire chez Shigeru. Il est, en effet, le seul à s’opposer au pouvoir tentaculaire d’Iida Sadamu.
Ce premier volume s’arrête subtilement sur de nombreuses attentes.
Belle réussite donc pour ses deux auteurs. Ils arrivent à transcrire la magie diffuse du personnage de Takeo qui ne comprend pas toujours son acuité sensorielle. Mais aussi la force sanglante d’Iida Sadamu ou la puissante indépendance de Dame Maruyama. Plus encore ce sont les raffinements et la luxuriance de la demeure de Shigeru comme la légèreté des poursuites de Kadeo dans la nuit, à l’affût de ses sens qui surprennent.
Un graphisme affirmé, des couleurs vives rehaussées de traits noirs. Le recours au bestiaire et à l’imagerie traditionnels du Japon pour traduire la traîtrise, la ruse ou la poésie permettent une belle porte d’entrée à la somme complexe et touffue de Lian Hearn. C’est aussi une œuvre à part entière à mettre entre toutes les mains.
On attend la suite avec impatience !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Le Clan des Otori Tome 1 : Le Silence du rossignol de Stéphane Melchior et Benjamin Bachelier d’après l’œuvre de Lian Hearn, 96 p., 230X310 mm, 17,80€, éd. Gallimard bande dessinée.