Le cinéma vietnamien aujourd’hui : rencontre avec Emmanuelle Baude, productrice et Nguyen Ha Phong, réalisateur.

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Le Vietnam était invité d’honneur du 13e Festival Cinémas & Cultures d’Asie. Parmi la dizaine de films présentés un documentaire produit par les studios Varan, représentés par Emmanuelle Baude, et un court métrage La Terrasse, en présence du réalisateur Nguyen Ha Phong.
A l’issue de cette séance a eu lieu un échange entre nos invités et le public, dont nous vous proposons ici la transcription.

Portez-vous une attention particulière à la musique ?
NHP : Pour la musique, nous n’avons qu’un tout petit budget. Au Vietnam, les cinéastes ne prennent pas trop à cœur le rôle de la musique. Personnellement, je n’aime pas trop la musique dans les films vietnamiens. Au niveau du son, aucun film vietnamien n’a été tourné en son naturel. Toujours après, en post-production. Mais je pense que ça va changer. Il y a de jeunes compositeurs qui commencent à travailler en association avec des cinéastes.

Avez-vous des difficultés à être projeté en salle ?
EB : C’est essentiellement un public qui se déplace sur les festivals, vu que les films ne sont pas projetés ailleurs.
NHP : Actuellement au Vietnam, il n’y a qu’une cinquantaine d’écrans dans tout le pays, donc très peu de salles, essentiellement dans les grandes villes comme Hanoi ou Saigon. La public a entre 16 et 50 ans. Les films vietnamiens généralement sont à l’affiche pour une semaine, trois jours, voire même deux jours. Le film que vous pouvez voir pendant ce festival, Vivre dans la peur, n’est resté qu’une semaine à l’affiche. La recette totale, dans tout le pays, pour ce film là, avoisine 2 000 USD. Alors que si je ne me trompe pas, le budget global du film était de 200.000 USD. Un petit budget en Occident, mais un très gros au Vietnam.

Dans ce contexte, quel espoir nourrir pour les films d’auteur ?
NHP : Il faut être fou ! Et réunir beaucoup de passion, d’espoir, et de travail. Il ne faut pas faire un film en pensant à tel public ou tel autre public, qu’il soit vietnamien ou étranger. L’important c’est que le film soit projeté, et parle aux gens. Si le film atteint un public plus large que le seul public vietnamien, c’est mieux. Mais ce phénomène concerne tous les films d’auteurs. Regardez le film roumain qui a remporté Cannes cette année. Il passe dans quatre petites salles à Paris.

Est-ce qu’avec plus de liberté, vous seriez tenté de rejoindre les terres de Michael Moore par exemple, dénoncer au-delà de montrer ?
EB : Dans les ateliers Varan, ce sont les stagiaires qui choisissent leur sujet, nous n’imposons pas de thèmes. S’ils veulent réaliser un travail à la Michael Moore, ils le feront, tant qu’ils arrivent à justifier leur démarche, et défendent leur projet. Les ateliers Varan, c’est un processus de travail, une méthodologie, quel que soit le sujet., comment le développer, et aller jusqu’au bout.
NHP : Il y a un sujet primordial qu’il faut dénoncer : la violence familiale. C’est dommage qu’il n’y ait pas de jeune documentariste qui s’intéresse au sujet. Au Vietnam, il y a pas mal de violence dans le couple, ou avec les enfants.

Dans ce cas, la censure interviendrait ?
NHP : Je ne pense pas. Cela dépend de la manière dont le sujet est traité. Il faut le faire, on verra ensuite. Si on a peur avant, on ne fait rien. Si c’est interdit, faut essayer une nouvelle fois. Sinon, il faut changer de métier.

Lyon, Novembre 2007
Festival Cinémas & Cultures d’Asie

Pays : Vietnam

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