La vie d’Otama de Keiko Ichiguchi et Andrea Accardi paraît chez Kana.

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Tokyo, automne 1877, la jeune Otama dessine dans son jardin, comme à son habitude. Un étranger en kimono, de 20 ans son aîné, la remarque. Et c’est le coup de foudre. Février 1936, c’est une vieille dame qui est de retour dans la capitale nipponne. L’album raconte ces 60 ans de la vie d’Otama à partir de cette rencontre décisive.

Il est italien, professeur en poste aux Beaux Arts. Avec lui, elle se perfectionne en dessin et pose comme modèle pour une sculpture. Leur amour est scellé. Ils se fiancent et partent bientôt pour Palerme, l’Italie. Elle y fait sensation et devient la première peintre japonaise de style occidental. C’est la découverte aussi pour la jeune femme d’un monde inconnu. Ce n’est qu’après la mort de son mari qu’elle rentre au Japon, alors en pleine préparation d’un coup d’État.

L’autre rencontre de l’album, c’est celle d’Otama, vieille dame noble, avec Atsushi, un petit garçon du peuple, doué, comme elle, pour le dessin. Elle l’accueille, lui apporte quelque confort et réconfort. Et puis lui raconte sa vie. Les va-et-vient entre le passé et le présent dynamisent la narration de Keiko Ichiguchi et assurent le suspense de la fameuse « révolte des officiers ». En effet, la tentative de restauration de l’ère Showa à laquelle le grand-frère d’Atsushi a pris part est un épisode peu connu de l’histoire récente du Japon. Il s’éclaire ici de lumières sombres pour le jeune aspirant officier.

La condition des femmes est aussi un thème bien abordé dans cette histoire dessinée. Celle d’Otama bien sûr, d’une classe sociale privilégiée et éclairée, mais aussi celle des femmes de condition modeste, comme la sœur d’Atsushi qui doit se marier pour échapper au bordel si elle perd son travail.

Le dessin d’Andrea Accardi est très précis, travaillé en grisailles. Les personnages sont finement détaillés et leurs actions dynamisées par des cadrages souvent déstructurés.

L’album rend un bel hommage à cette vie de femme et de peintre longtemps oubliée et dont un écrivain a ravivé le souffle.

Notons aussi que plusieurs titres de Fumiyo Kouno sont réédités dans la collection Kana. L’occasion de découvrir ou redécouvrir l’univers doux amer de la mangaka, empli de petites gens qui, sans elle, seraient restées inconnues. Telles Les fleuristes du coin de la rue, la jeune femme du Pays des cerisiers ou le couple de Une longue route (1).

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) 3 titres à retrouver ce mois de juin 2024 en librairie.

La vie d’Otama, scénario de Keiko Ichiguchi et dessin d’Andrea Accardi, format 17 X 24 cm, 136 p., 15,50€, collection Kana, éd. Vega Dupuis. En librairie le 7 juin 2024.

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