Killer Instinct volume 1

mangas

Killer Instinct, coréalisé par un duo de mangaka, Michio Yazu au scénario et Keito Aida au dessin. Une histoire de survie, où une jeune adolescente, deux jeunes femmes et quatre jeunes hommes, se réveillent dans une école hermétiquement close, pour sept jours, avec la règle implicite de s’entretuer.

Cette base scénaristique nous évoque instantanément les œuvres de Yoshiki Tonogai, comme Doubt ou Judge. Michio Yazu semble beaucoup s’en inspirer, parfois même un peu trop, on a souvent l’impression de faire face à une caricature du style signé Tonogai.

Les personnages sont très stéréotypés. Dès lors un problème survient, on devine déjà que le personnage le plus complexe, forcément le protagoniste, sera celui qui survivra jusqu’à la fin. Ce qui pose problème dans un scénario où l’intérêt est justement de ne pas savoir qui sera la prochaine victime, mais aussi de se demander tout le long de l’histoire, qui parviendra à survivre.

On compte sept personnages, tous identifiés au fil du récit aux sept péchés capitaux. Côté féminin on note une adolescente mutique et mystérieuse, une première jeune femme séductrice,  alors que la deuxième apparaît sympathique et chaleureuse. La partie masculine du groupe comprend,  un otaku-pervers-gros et à lunettes (pour aller jusqu’au bout du stéréotype), un autre homme pseudo-intelligent qui au début découvre tout : caméras, compte à rebours etc…, si bien qu’on a l’impression que les autres personnages sont aveugles. Vient ensuite un jeune homme colérique et enfin, notre antihéros, un individu tout ce qu’il y a de plus normal, le seul qui ne soit pas stéréotypé.

Ce type d’histoire, assez répandue, et pas que dans le manga, —on en trouve beaucoup dans la littérature et le cinéma d’horreur— a un but, celui de créer de la tension, voire du suspens, et avoir un impact sur le lecteur. Les deux auteurs ne prétendent pas révolutionner le manga, ils tentent l’expérience modeste d’un thriller horrifique classique. Le seul moyen de sauver cette réalisation est donc de savoir si les codes du genre sont bien amenés et si l’atmosphère générale fonctionne.

Le manga s’ouvre sur une double page, Keito Aida use d’un découpage classique mais efficace. Il ne cherche pas à dynamiser le récit de son partenaire, il se contente de l’épouser et de le servir au mieux, ce qui n’est pas du tout inintelligent. Cependant, en tant que lecteur, on remarque tout de suite qu’une tension veut être installée et on aimerait la ressentir. Mais l’allusion à ce personnage disparu, Marie, de même que la coupure créée par la page titre— qui agit un peu comme un cliffhanger—, ne fonctionnent pas, le tout nous laisse un peu froid.

De plus la situation de départ manque de dynamisme, les personnages se retrouvent en cercle et se présentent chacun à leur tour, une facilité scénaristique qu’on a du mal à pardonner. On apprend directement la manière dont les personnages ont été endormis, une question qui aurait pu rester en suspend pour la suite, ou même laissée dans l’ombre.

Par la suite, les questions essentielles de survie se posent. Commencent à s’installer entre les personnages, différentes relations d’une complexité variable et plus ou moins vraisemblables. C’est seulement à partir de ce moment qu’on distingue une différence entre le style de Yoshiki Tonogai et celui de Yazu et Aida. Le duo de mangaka se veut plus trash, à la fois dans les scènes violentes mais aussi dans les scènes de sexe.

Utiliser l’érotisme est toujours un pari risqué, on peut glisser vers le ridicule, l’invraisemblable ou le pathétique. Et dans Killer Instinct, on a du mal à croire qu’au bout d’un jour seulement, un personnage sombre dans la folie au point de violer une jeune femme, et ce malgré les conditions d’enfermement du groupe. On en vient à croire que les mangaka cherchent le moyen de mettre en visuel des scènes érotiques, pour instaurer de la subversion dans leur œuvre ; voire pire, pour fidéliser son public.

En somme, tout au long du manga on s’embourbe dans un récit qui tente par divers subterfuges, n’ayant rien de subtils, de rendre l’histoire intéressante.

C’est l’impression ressentie jusqu’aux dernières pages, mais malgré tout, je me félicite d’avoir lu ce manga jusqu’au bout. Lors de l’ultime scène, le travail du scénariste et du dessinateur s’accorde de manière puissante, on ressent enfin la tension tant attendue, sur ces quelques planches on est saisi par un dynamisme efficace ; et lorsque survient la case finale, on reste enfin le souffle coupé.

Killer Instinct de Keito Aida et Michio Yazu, sortie 2013 au Japon, édité par Futabasha Publishers. Sortie février 2016 en France, édité par Tonkam.

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