Peter Chan a été l’un des producteurs et réalisateurs de comédies parmi les plus en vue durant la difficile période cinématographique hongkongaise des années 90, signant notamment les populaires “He’s a woman, she’s a man” et “Comrades – Almost a Love Story” sous l’égide de sa société de production UFO.
Suite à l’échec cinglant de son “Age of Miracles” en 1996, Peter Chan s’est fait plus rare au sein de la cinématographie locale, avant de revenir sur le devant de la scène dès le début du nouveau millénaire en produisant – notamment – la trilogie des “The Eye”.
A l’occasion de la triomphale sortie mondiale de ce qui reste à ce jour la plus importante coproduction pan-asiatique et préfigure le renouveau de la comédie musicale asiatique, Peter Chan revient sur sa conception du thème de l’Amour.
Quelle est votre part de reflet dans “Perhaps Love” ?
Il y a un dicton chinois difficilement traduisible en anglais, qui joue sur deux expressions : “man-shu” et “man-hi”. “Man” pourrait se traduire par “plein”… Il y a deux manières de définir “satisfaisant”. La première pourrait s’appliquer quant à savoir si je suis content de mes films. La seconde (“man-hi”) s’attache davantage à savoir, si je suis content de l’expérience filmique. Je ne sais jamais quoi répondre, lorsqu’on me demande si je suis satisfait de mes films, je suis trop impliqué dans mes projets pour avoir le recul nécessaire. “Perhaps Love” a été une expérience très satisfaisante. J’ai pu m’aventurer dans un genre, que je n’avais encore jamais expérimenté. Et j’aimerais une nouvelle fois appuyer le fait, qu’il ne s’agit pas d’une comédie musicale mais d’une histoire d’amour, comme j’en réalise à chaque nouveau film.
J’œuvre dans un art, qui est vraiment conflictuel… ou du moins contradictoire. Dans “Perhaps Love” s’entrechoque une intrigue triste et mélancolique au sein d’un genre – la comédie musicale – qui est plutôt considéré comme enlevé et joyeux. Je pense, qu’il s’agit là de la moins conventionnelle des comédies musicales qui n’ait jamais été réalisée et je pense sérieusement avoir réussi à mélanger deux genres, qui n’ont – en apparence – rien à voir l’un avec l’autre. Avoir réussi cet improbable mélange est vraiment la première cause de satisfaction.
La seconde raison serait d’avoir su représenter l’amour à différentes étapes de son évolution. C’est quelque chose, que j’ai tenté d’explorer dans toute ma filmographie ; et je n’avais encore jamais réussi à l’appréhender totalement. Réussir à inclure dans un seul et même métrage toutes les étapes d’une relation amoureuse… je suis vraiment très satisfait.
La première étape de l’amour est le démarrage d’une relation amoureuse ; un moment doux et passionné. J’ai choisi de le représenter dans mon film à travers le souvenir. Puis, il y a le cheminement de la rupture de cette même relation ; c’est le moment que je préfère explorer, car il est fascinant d’observer le déchirement des sentiments. La rupture agit comme un indicateur de l’amour. On n’est jamais certain de la nature de notre amour jusqu’au moment où on est exposé à la perte.
La troisième étape se situerait pendant la relation ; entre un homme et une femme mariés, par exemple. Tu vis avec une autre personne avec laquelle tu te sens bien, mais dont tu n’es plus follement amoureux, comme au début. Est-ce donc vraiment de l’amour ou non ? En termes neutres, ce n’est pas réellement de l’amour, mais une relation (amoureuse). Personnellement, je pense que là se situe l’apogée de l’amour et non pas dans le souvenir du sentiment passionné des débuts. Le souvenir d’une passion est faussé, car il est le propre de ton imagination ; alors qu’une relation durable est un vrai effort. Ton partenaire et toi-même, êtes tous deux obligés de mettre du vôtre pour faire perdurer votre relation. Je pense donc sincèrement, que ce moment précis de votre vie inclut bien plus d’amour, que n’importe quel autre moment.
J’ai donc introduit ces trois moments clés d’une relation dans mon film. Le souvenir d’un amour – qui pourrait être inexact de par sa propre représentation faussée…
Beaucoup de gens me demandent d’ailleurs, si ce moment précis est autobiographique… Il ne l’est pas, mais j’aurais bien aimé !! (rires). A moins de ne voir la représentation d’un sentiment, que j’ai effectivement pu ressentir, lorsque j’étais plus jeune.
Je suis donc content d’avoir réussi cette combinaison des genres et pu collaborer avec des gens suffisamment fous pour me confier autant d’argent.
Propos recueillis au cours du Festival de Deauville, mars 2006.
Chaleureux remerciements à Isabelle Duvoisin et Wild Side pour avoir permis la réalisation de l’interview.
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Pays : Hong-Kong