Après la Malaisie, petit aperçu de la situation du court métrage en Thaïlande, avec l’interview de Chalida Uabumrungjit, membre fondatrice du groupement “Thai short film” et du “Video Festival”, programmatrice pour le Bangkok International Film Festival, et chargée de projet pour la Thai Film Foundation.
Parlons maintenant des écoles – est-il possible d’apprendre le cinéma en Thaïlande, ou faut-il aller à l’étranger ?
Il y a une école qui a été établie dans les années soixante-dix et qui est d’ailleurs en train de renouveler ses équipements… il existe aussi une école privée, dont un des anciens élèves est présent à Clermont-Ferrand cette année, où l’on peut travailler en 35mm… Mais à mon avis, le plus grand problème vient des professeurs, qui sont de la “vieille école”, et veulent voir toujours le même genre de cinéma. Les festivals ouvrent une autre voie, car ils démontrent que des films novateurs peuvent avoir du succès, ce qui prouve qu’un style différent peut voyager et marcher à l’étranger.
Le court métrage est-il soumis à la censure ?
On ne voit pas encore de censure officielle dans le court métrage. Ceci dit, elle existe dans les écoles, où un scénario doit être accepté par les professeurs avant d’être tourné : il est donc là plus question de goût personnel de l’enseignant. Nous avons l’exemple d’un réalisateur qui a gagné notre “prix de la jeunesse”, ainsi qu’un prix à Rotterdam avant de commencer ses études de cinéma, mais qui ne peut pas faire le même style de film au sein de son école. Le système des écoles peut donc être restrictif pour certains jeunes réalisateurs, mais celles-ci préfèrent que leurs étudiants trouvent du travail en sortant, plutôt que de former des artistes sans travail.
Avez-vous l’impression qu’il existe des styles, des thèmes récurrents ? Une touche thaïlandaise en quelque sorte ?
Au début l’influence majeure venait des films grand public, comme ceux de Wong Kar-wai. Mais je pense qu’il y a aujourd’hui plus de diversité, et j’arrive à voir pour quelles raisons tel film a été fait, majoritairement ils sont destinés à être un tremplin vers le long métrage, lesquels sont plus personnels. Apichatpong Weerasethakul a également influencé beaucoup de films expérimentaux, et il y a de plus en plus de documentaires. Pour ma part, ces derniers sont d’ailleurs les plus intéressants que j’ai vus cette année.
Cette année à Clermont-Ferrand, les films d’Asie du Sud-Est sont regroupés au sein d’un même programme. Ce regroupement vous semble-t-il artificiel ou justifié ? Est-ce un avantage ou un obstacle ?
D’une certaine façon c’est une bonne chose car nous nous redécouvrons mutuellement. Ce n’est pas parce que nous sommes voisins que nous voyons nécessairement les films des autres. Moi-même je n’ai découvert les films des pays avoisinants que depuis 10 ans car avant je ne regardais que des films européens ou américains. En ce sens, c’est une bonne chose, surtout pour les films indépendants qui ont beaucoup en commun, qui mènent le même combat… c’est comme une famille dans un sens ! De plus ce regroupement permet une meilleure exposition, même si c’est seulement sur un critère géographique, les films n’ayant pas beaucoup de ressemblance dans le contenu, car ils sont différents culturellement. Peut-être que dans les 10 années à venir ils vont commencer à se ressembler un peu plus.
La production de longs métrages en Thaïlande est-elle bien distincte de celle des courts ou pourrait-elle influencer cette dernière ?
Je pense que c’est différent en termes de distribution : je ne vois pas les courts arriver dans les salles de cinéma, et je me demande où est leur place en réalité. Le court métrage est un bon moyen pour beaucoup de gens d’exercer leurs talents créatifs sans se ruiner, comme un terrain d’essai. Et aujourd’hui, il y a même certains réalisateurs qui continuent de faire des courts métrages même après s’être mis au long, comme Royston Tan. Je pense qu’à l’avenir il y aura moins de séparation entre les deux productions, et certains réalisateurs oeuvreront dans les deux domaines.
Vous êtes donc plutôt optimiste sur l’avenir du court métrage?
Oui, mais la question principale demeure la même : où, comment, dans quelles conditions montrer les courts métrages afin qu’ils touchent un maximum de public et que cela soit le plus gratifiant possible pour les réalisateurs.
Propos recueillis à l’occasion du 30e Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand
février 2008
Pays : Thaïlande