1944, Ludwig Mueller roule en voiture dans les environs de Berlin. Perdu dans ses tourments et fantasmes d’homme, de mari et de père, il prend en stop une jeune femme. Elle disparaît presque aussitôt et il ne lui reste qu’un collier lumineux arraché au cou de la belle inconnue. En ces temps plus que troublés, Il est employé comme traducteur-interprète par le parti hitlérien qui l’envoie bientôt à Hiroshima pour traduire des documents ultra-secrets sur des « expérimentations ». Sa rencontre avec une masseuse japonaise éclaire sa vie, mais les bombardiers américains se profilent à l’horizon…
Thilde Barboni s’est servie d’un phénomène constaté à la suite de l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima et à Nagasaki ; elle en a fait le cœur d’une belle histoire d’amour sur fond de guerre. Hibakusha c’est « le survivant d’un autre type ». Elle mêle ainsi fiction et réalité historique dans son scénario tiré d’une de ses nouvelles « Hiroshima, fin de transmission ». Malgré ce fond historique, Olivier Cinna se donne une certaine liberté tant dans le dessin que dans les couleurs. Sa mise en scène est dynamique, efficace jusqu’à la scène paroxystique de la déflagration essentiellement en noir et rouge qui accentuent encore sa puissance et son horreur. En contrepoint, une certaine sensualité, qu’elle soit fantasmée ou vécue, se dégage des scènes où apparaissent, tour à tour, les deux personnages féminins. Et au-delà de la sensualité, c’est l’éternité du sentiment qui s’incarne dans les pierres d’Hiroshima, ultime trace de la vie.
A découvrir aussi pour le beau texte de Thilde Barboni à la fin de l’ouvrage, comme une note d’intention ; les magnifiques portraits à l’encre et une aquarelle pleine page où explose un érable rouge d’Olivier Cinna.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Hibakusha, dessin d’Olivier Cinna et scénario de Thilde Barboni, 64 p. grand format, collection Aire libre, éd. Dupuis, 16.50€.