À 82 ans, la grande figure de l’anime japonais, Rintarô n’est plus à présenter. C’est un invité de marque à la séance événement qui nous présente son dernier opus à travers un échange détendu. Il en a eu l’idée ici même à Annecy durant le festival de l’an dernier.
Les organisateurs du festival dévoilent d’abord la plaque des empreintes des mains du grand maître. Elle prendra place dans la future Cité internationale du cinéma d’animation d’Annecy dans les anciens haras de la ville. Mais il faudra attendre 2025… Il les découvre avec grand plaisir et beaucoup d’humour.
Son dernier film, d’une vingtaine de minutes, est un triple hommage. Au cinéma muet des années 20, au cinéaste Sadao Yamanaka mort à 28 ans, et à un voleur historique célèbre : Nezumikozô Jirokichi dit : le Rat. Le jeune cinéaste avait tourné une trilogie dont les films ont été perdus mais les scénarios conservés. Rintarô a utilisé l’un d’eux, se mettant un peu dans la peau du réalisateur. En effet, il aime bien prendre comme personnages principaux des marginaux, hommes ou femmes. Celui-ci a un aspect de Robin des Bois des plus séduisants, mais aussi des plus bonhommes. En outre, le cinéaste apprécie la phrase célèbre d’Hitchcock : « Le cinéma muet est la plus pure forme du cinéma ». Il en fait la preuve.
Son idée était de le tourner avec toutes les caractéristiques du cinéma muet : format, couleur monochrome, intertitres, découpage. Mais il a voulu une musique jazz trépidante pour unique son du film, effets sonores compris. Les cavales du Rat sur les toits sont, par exemple, sonorisées par la musique de Toshiyuki Honda. Le musicien avait déjà collaboré au Metropolis du maître. Seules les scènes inaugurale et finale sont tournées en format vista, contemporain et en couleurs. En effet, il s’agit du film imaginé par Sadao Yamanaka, lui-même mis en scène par Rintarô.
Il a également choisi son acolyte Katsuhiro Ôtomo, le grand réalisateur d’Akira, pour dessiner les costumes des personnages pour bien marquer l’époque. C’est ce dernier qui a aussi caractérisé Sadao Yamanaka et son équipe de tournage. Il rappelle, au passage, que c’est lui qui l’a fait rentrer dans l’animation en le faisant travailler sur son Harmagedon.
Rien que du beau monde donc pour réaliser ce bel hommage ! Le film a un style graphique très personnel et reconnaissable au premier coup d’œil, bien loin des anime contemporains qu’il juge souvent trop normés. Il permet une grande caractérisation par l’expression des visages et de leurs mouvements. Paradoxalement, le monochrome bleuté, la musique viscérale rendent le film très moderne et original.
À l’évocation de la disparition Leiji Matsumoto, il lui rend hommage car c’est lui qui lui a mis le pied à l’étrier il a 60 ans en le faisant travailler sur… Albator. Malgré son âge avancé, Rintarô est encore plein de projets, surtout en France. Il est accompagné de Shoko, sa productrice associée et traductrice. Pour lutter contre la standardisation de l’anime, gageons qu’il nous étonnera encore.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Nezumikozô Jirokichi dit : le Rat. Pas encore de date de sortie française prévue.